Le
rapport Meadows – quelques rappels utiles sur la
courte histoire d’une légende
Le rapport Meadows (Les limites de la croissance)
fête ses 50 ans. Avec le temps, il s’est imposé
comme le rapport de référence, amorçant une prise de
conscience écologique à l’échelle mondiale (1).
Autour de lui, s’est construit un récit standard des
50 dernières années : à trente ans à peine,
l’ingénieur du MIT, Dennis Meadows, entouré de Dana
Meadows, Jorgen Randers et William Behrens, établit
le lien entre le développement des activités
économiques du monde industriel et une crise
écologique dont nous ne pouvions alors qu’envisager
les prémisses – la croissance, selon le titre du
rapport, atteignait ses limites naturelles dans un
monde fini. Longtemps, toujours selon ce récit, ces
« visionnaires » ont prêché dans le
désert, eux et ceux qui portaient dans l’espace
public les constats établis dans ce rapport. Le
climato-scepticisme avait la peau dure, les pouvoirs
publics, l’industrie et une bonne partie des
intellectuels (que l’on pense en France au brûlot
commis par Luc Ferry en 1992, par exemple (2))
restaient sourds, et l’opinion publique, timide.
Mais, peu à peu, des mouvements écologistes se sont
structurés en partis politiques, l’ONU crée la
Commission Mondiale sur l’Environnement et le
Développement en 1983, le GIEC est créé en 1988,
1992 est aussi l’année du sommet de Rio, qui
popularise la notion de développement durable, issue
des travaux de la commission onusienne (3), fixe un
cap, et donne naissance à la Conference of Parties
(COP), dont la 21e a, en 2015, produit le fameux
« Accord de Paris », fixant, pour la
première fois, des objectifs juridiquement
contraignants. Dans le même temps, les enjeux
écologiques pénétraient, plus ou moins, tous les
discours politiques.
Ce récit est devenu une telle évidence que toute
critique du rapport Meadows, et surtout des
conditions de sa production, est devenue une manière
efficace d’être taxé de climato-sceptique. Aussi
efficace que de douter du discours « effondriste »,
ou de l’impact écologique positif de la plupart des
mesures techniques mises en œuvre à l’échelle
industrielle. Et pourtant. Qui a lu ce rapport ? Qui
se souvient de ses commanditaires et du contexte
politique précis dans lequel il est produit ? Le
récit standard, dont il sert de point de départ,
est-il vraiment le récit des mouvements écologistes
dans leur diversité, et surtout dans leur radicalité
et leur lucidité ? Aucun mouvement social ne prend
force sans entretenir lui-même sa mémoire. A l’heure
où beaucoup déplorent, saluent ou espèrent une
nouvelle radicalisation des mouvements écologistes,
où beaucoup inscrivent ce tournant dans leur propre
vie, au-delà des « gestes », ce papier
veut contribuer à une nécessaire réappropriation,
par le militantisme écologiste, de sa propre
histoire, trop souvent confisquée.
Ce
qu’a signifié le rapport Meadows
Le récit que je viens de reconstituer est fortement
biaisé, au point qu’il suffit d’en pointer les
omissions pour réveiller une saine méfiance. Entre
autres témoignages, rappelons comment un écologiste
français convaincu a pu l’accueillir à
l’époque : « la première réaction, chez
beaucoup d’entre nous (les écologistes), était
jubilante : enfin, le capitalisme avouait ses
crimes » (André Gorz (4)). « Enfin »,
parce que ces « crimes » étaient largement
connus, et la conscience écologique n’a absolument
pas attendu le rapport Meadows. Les quatre auteurs
du rapport de 1972 étaient-ils des
« visionnaires », ou les porte-parole d’un
« aveu » déjà tardif ?
Tout d’abord, donc, la conscience écologiste a
largement précédé le rapport Meadows. Si René
Dumont, agronome et premier candidat écologiste à la
présidentielle française en 1974, est un converti
tardif (5), le botaniste Roger Heim publie, en 1952
déjà, Destruction et protection de la nature, qui
eut un réel écho. Bernard Charbonneau (dont le
premier article écologiste date de 1937 (6)), Serge
Moscovici (7) et bien d’autres témoignent eux aussi
d’une conscience écologique bien antérieure, en
France, et qui se développe au cours des années
60-70, croisant critiques de la technologie et de la
société de consommation. Mai 68 donna un écho
considérable à ce discours. En 1971, la France crée
son Ministère de l’environnement.
Aux Etats-Unis, y compris à l’échelle publique,
l’antériorité est plus nette encore. La crainte de
la bombe atomique s’élargit, dès les années 50, à
une conscience aiguë de l’impact technologique sur
la planète. Murray Bookchin et d’autres multiplient
les alertes, les interventions et les rapports sur
toutes les formes de pollution et de destruction de
l’environnement. Et le début des années 60 voient
les publications majeures se multiplier : The
Waste Makers, en 1960, de l’économiste et sociologue
Vance Packard (traduit en français en 1962), Our
Synthetic Environment, de Murray Bookchin, en 1962,
et surtout, en 1962 toujours, le best-seller de la
biologiste Rachel Carson, Silent Spring, tout de
suite traduit dans de multiples langues (en
français, dès 1963). Les mouvements d’opinion, dont
le succès du livre de Carson est le témoin et le
catalyseur, conduisent, à partir de luttes qui
seront finalement victorieuses pour faire interdire
le DDT, à la création aux Etats-Unis de
l’Environmental Defense Fund en 1967, aux lois
« Clean Air, Clean Water and Endangered
Species », et à la création de l’United States
Environmental Protection Agency, en 1970, suite aux
dizaines de millions de personnes dans la rue pour
le premier « Jour de la Terre », le 22
avril de la même année.
A tout cela s’ajoute une résistance précoce
d’économistes de tout premier plan : ainsi
Arthur C. Pigou, économiste britannique du Welfare,
élabore, dès le début des années 50, des modèles
économiques de taxation de la pollution, et Karl W.
Kapp, économiste allemand, propose, lui aussi au
début des années 50, des modèles économiques
élaborés pour inclure le coût social et
environnemental de la croissance dans son
évaluation. Ce ne sont ni des cas isolés ni des
économistes de second plan. Plus globalement, dès le
début de la politique de croissance popularisée par
le président Truman, notamment, en 1949, ce nouveau
mantra de l’immédiat après-guerre rencontre des
oppositions fortes de toute part, qui culminent
notamment avec The Cost of Economic Growth (1967),
de Ezra J. Mishan, membre de la très influente
London School of Economics – une synthèse de dix
années de travail balisant tous les arguments
anti-croissance des années qui suivirent et reposant
sur une extension de la notion de coût à toutes les
conséquences, humaines et environnementales, de
l’activité économique.
Plus encore, les débats écologistes sont si intenses
que l’on peut déjà distinguer entre (simple)
environnementalisme – la prise en compte des
atteintes environnementales dans la conduite de
l’activité économique et une sensibilité accrue aux
impacts sur la nature des activités humaines – et
« écologie sociale » (appelée plutôt, en
France, « écologie politique »), qui
estime que des changements socio-économiques plus
radicaux seront nécessaires – mettre fin aux
rapports de domination pour mettre fin à
l’organisation sociale qui détruit la planète. Si la
notion d’« écologie profonde » (par
opposition à une écologie
« superficielle ») – attribuer à tout être
vivant une égale dignité, impliquant une nouvelle
forme d’éthique – n’apparaît, semble-t-il, qu’en
1973, sous la plume d’Arne Naess, elle ressaisit des
idées déjà développées dans les années 60. Et de
toute part, la question de la décroissance, ou, a
minima, de manières alternatives d’évaluer le
développement, sont ardemment discutées au sein des
différentes formes d’écologisme – bien au-delà du
cercle des économistes. La politisation de
l’écologie est pleinement active, croisant
militantisme intense et travail scientifique engagé.
Le rapport Meadows arrive donc au cours d’une
bataille déjà largement engagée, et la question
reste entière de savoir ce qu’il y a signifié.
Car, second point, le rapport Meadows n’était pas du
tout le fait de quelques visionnaires, mais
constituait, à la fois, une reconnaissance et une
confiscation.
Pour le comprendre, il faut revenir sur son
histoire. Quelques puissants décideurs, dont la
fondation Rockefeller, composant le très
conservateur Club de Rome, commandent aux ingénieurs
du MIT un rapport sur l’impact climatique de
l’activité humaine : le rapport Meadows est la
réponse à cette commande. Les constats qu’on y
trouve documentés sont déjà largement consensuels à
l’époque, dans le monde des écologistes, et ses
préconisations sont, pour la plupart, déjà défendues
par ailleurs, et pour plusieurs assez timides, mais
dans tous les cas le rapport s’en tient à celles qui
font le plus consensus alors : inflexion de la
croissance à partir de 1975, dans les pays
« développés », mais triplement de la
production industrielle mondiale pour 1990 (!!!), en
réduisant au quart la consommation de ressources
minérales. Ce qui impliquait la production de biens
plus durables, le recyclage et la réduction des
gaspillages (déjà le B A BA des revendications
écologistes), mais aussi le développement accéléré
de l’économie « immatérielle » – incluant,
notamment, la marchandisation plus poussée de biens
et services jusque-là non marchands, pour compenser
les « pertes » industrielles. Une relative
décrue industrielle au prix d’une croissance
exponentielle de la marchandisation. Le tout appuyé
sur des chiffres et des modèles dont beaucoup ont
été immédiatement critiqués (y compris et surtout
par ceux qui en validaient pourtant les constats)
(8), et sur une expertise guère supérieure à celle
de nombreuses études déjà disponibles (9).
Quel écho de l’ébullition écologiste évoquée plus
haut dans le rapport Meadows ? Rien sur le
changement d’échelle des unités de production. Rien
sur la réorientation technologique vers des procédés
plus maîtrisables à échelle humaine. Rien sur les
critiques de la société de consommation, occultant
structurellement toute réflexion sur la production
des marchandises et la réalité des besoins humains.
Presque rien sur la redynamisation du monde rural.
Donc rien sur ce qui faisait déjà le coeur de la
réflexion écologiste la plus avancée. Mais à la
place une ambiguë promotion de l’économie
« immatérielle ».
On connaît la suite : la résistance des
industries pétrolières et la
« révolution » numérique, qui a montré que
économie « immatérielle » rimait en
réalité avec nouvel extractivisme, toujours plus
destructeur, mais « pas chez nous »,
invisibilisé. Cette suite a contribué
rétrospectivement à attribuer au rapport Meadows la
radicalité qu’il n’avait pas.
Creusons un peu encore. Notre témoin de 1973 l’avait
déjà identifié, et nombre d’écologistes (en seconde
réaction, donc) suivent alors ce constat :
« Quand le rapport Meadows envisage le
triplement de la production industrielle mondiale,
tout en recommandant sa non-croissance dans les pays
industrialisés, n’est-ce pas à (une) vision
néo-impérialiste de l’avenir qu’il se réfère
implicitement ? » (10). Laquelle ? Et
bien la localisation des productions polluantes – et
pas seulement l’extraction – dans les pays dits, à
l’époque, du « Tiers-monde ». En somme, ce
rapport annonçait largement le redéploiement mondial
du capitalisme qui allait suivre (même contre une
bonne part des intentions de leurs pauvres auteurs),
y compris, par exemple, l’explosion de la
marchandisation touristique et la bétonisation
massive qui l’a accompagnée, sans parler de
l’explosion de l’émission de CO2 par les transports,
puis la démultiplication des extractions polluantes
et socialement désastreuses qui ont accompagné
l’économie dite « dématérialisée » des
années 80-90. Et ce, même si
« Tiers-Monde » renvoie à une réalité
reconfigurée : les rapports de domination entre
territoires sont aussi restées en partie internes à
nombre de pays industriellement développés (que l’on
pense à l’extraction du pétrole et du gaz de schiste
aux Etats-Unis, à l’extraction des doublement mal
nommées « terres rares » par la Chine, ou
même, à plus petite échelle, à la bétonisation des
côtes et des zones cultivables pour des raisons
touristiques). On reconnaît là parfaitement le
néo-impérialisme du Club de Rome et du capitalisme
depuis 50 ans au moins.
La
contre-histoire d’une première défaite
Que s’est-il passé en 1972 ? Il faut je crois
faire un détour par 1992 pour le comprendre, et par
l’« appel de Heidelberg », qui entourait
le sommet de Rio : ce texte, écrit par Michel
Salomon, et signé par près de 4000 scientifiques
dont 72 prix Nobel (plusieurs signataires l’ont
regretté ensuite…), s’inquiétait alors de
« l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui
s’oppose au progrès scientifique et industriel et
nuit au développement économique et social ».
On sait aujourd’hui qu’il fut commandité par
l’industrie de l’amiante (11). Mais il n’était
pourtant pas climato-sceptique : il défendait
le développement d’une « écologie
scientifique », sur le modèle du rapport
Meadows et du travail du GIEC d’alors, contre le
militantisme et les associations écologistes, plus
radicaux dans leurs exigences, et en réalité bien
plus « visionnaires » sur les changements
sociaux nécessaires. Bref, on est dans le même
esprit que le livre de Luc Ferry, qui n’hésitait pas
à voir dans le nazisme la source de l’essentiel de
cet écologisme « irrationnel » (qu’il
réduisait à une lecture caricaturale de l’écologie
profonde) (12).
Qu’appelle-t-on ici « écologie
scientifique », quand on sait que les courants
spiritualistes fumeux n’ont toujours représenté
qu’une infime partie d’une littérature écologiste
militante qui appuie ses constats depuis le début
sur des enquêtes et des travaux scientifiques, et
compte, parmi ses auteurs, des scientifiques ou des
ingénieurs patentés ? Et bien, précisément la
configuration qu’illustre, parmi bien d’autres
depuis, le rapport Meadows : quelques dizaines
des plus grands décideurs du monde contemporain
commandent un rapport et évaluent la manière de
tenir compte, au nom du reste de la planète, de ses
recommandations. En somme, précisément ce que l’on
nomme depuis les années 20, aux Etats-Unis, une
technocratie (13) – quitte à se disputer ensuite,
entre puissants, pour savoir si elle doit reposer
directement sur l’autorité de quelques experts,
comme le préconise un Jean-Marc Jancovici, ou si les
leaders actuels conservent leur leadership, en
l’éclairant du recours ponctuel à une expertise
choisie et dévouée (c’est cette seconde option qui a
contribué à la naissance du néolibéralisme (14)). Le
résultat en est toujours le même : une
réorientation du capitalisme, non remis en cause,
associé souvent à un relent réactionnaire que le
néo-impérialisme du rapport Meadows illustre bien.
Le statut aujourd’hui consensuel de ce rapport ne
serait donc que l’un des symboles, avec l’écrasement
policier du contre-sommet de Gênes en 2001, de la
défaite du militantisme écologiste, plus radical des
années 70 – et en réalité plus réaliste –, qui
voyait dans un sursaut démocratique,
décentralisateur et décroissant le nouveau mode de
vie, anti-capitaliste, qu’appelait la crise
écologique – une perspective qui a l’immense
avantage de dépeindre la sobriété autrement que sous
les couleurs de la privation sous menace (ou de ce
que Hans Jonas nommait, en l’appelant de ses vœux,
l’« heuristique de la peur » (15)) !
Car, comme le disent la poignée d’ingénieurs
développement et de financiers de Total Energies,
filmés, en réunion, dans le reportage qu’Arte y a
consacré : « nous » ne nions pas la
crise écologique, mais son traitement est
« notre » affaire (16). 1972 signe donc le
début d’une première bataille culturelle de
l’écologie, celle des années 70, une bataille qui a
bel et bien été perdue pour qui croit que la crise
écologique appelle un bouleversement fondamental de
la société, vers bien plus d’horizontalité et de
co-constructions. Autre symbole de cette
défaite : lorsque les écologistes parlent
d’énergies solaire et éolienne, dans les années 70,
ils parlent tous de production low tech,
contrôlable, « bricolable », et ainsi
démocratique et ajustable aux besoins d’un
territoire, ce qui impliquait un redéploiement
complet du mode de production et de distribution des
énergies ; aujourd’hui, on parle le plus
souvent d’innovations techniques, de béton et
d’extraction en masse de terres rares, pour produire
de véritables centrales ajustées aux réseaux
énergétiques tels que l’industrie et les Etats les
ont créés. Que des « écologistes » en
viennent même, parfois, à défendre le nucléaire
n’est que la cerise sur le gâteau – ou le dernier
tour de verrou du There Is No Alternative.
Le statut du rapport Meadows, 50 ans après, serait
bien, de ce point de vue, le monument d’une défaite.
Le récit standard dont nous sommes partis est en
réalité celui d’une institutionnalisation plus
qu’ambivalente des mouvements écologistes, sous une
forme visant à les rendre indolores pour l’ordre
social responsable de la prédation que ces
mouvements ont su penser et combattre. Il acte
l’occultation de ce que pouvait avoir de
révolutionnaire le mouvement écologiste.
A tout cela les tenants de ce récit standard ont une
réponse bien rodée : l’enjeu est tel et les
forces en présence sont telles qu’il faut bien des
compromis pour gérer les urgences, gagner du temps
sur la dégradation environnementale, accepter des
priorités – le climat par rapport à la biodiversité,
par exemple, voire le climat plutôt que la justice
sociale.
Ce discours est bien rodé parce que le piège s’est
refermé – nous sommes tous lost in transition. Parce
que la stratégie du consensus large, mainte fois
formulée, jusque dans la récente collapsologie, est
un échec, prévu par nombre d’écologistes depuis le
début. Dépolitiser, dé-cliver le discours écologique
parce que nous aurions besoin d’un tel consensus
pour être efficaces, et gagner ce qu’on peut
gagner : c’est oublier que, si les limites de
l’environnement sont un fait, ce que ce fait
signifie pour nous, en pratique et collectivement,
peut prendre des formes extrêmement différentes,
voire franchement opposées – tenant compte plus ou
moins, et pour des raisons très variables, de ces
limites. Chercher le consensus a minima avec un mode
d’organisation sociale tournant autour des
investissements privés et des retours sur
investissements privés (les « opportunités de
profit »), dont la spécialité est précisément
de toujours savoir « gagner du temps »
(Wolfgang Streeck (17)), il fallait bien être
aveugle – ou sidéré par la peur – pour trouver cela
réaliste ou pragmatique. Car ce que beaucoup n’ose
même plus appeler capitalisme (de peur sans doute de
« cliver ») implique une incapacité
foncière à traiter la crise écologique. Il n’est
certes pas court-termiste, comme on le dit parfois,
il prévoit loin, pour dégager à court-terme des
opportunités de profit, loin, mais jamais plus loin
qu’une génération (« à long terme, nous serons
tous morts », disait souvent Keynes (18)). En
revanche, il a rendu les démocraties
court-termistes, en dépolitisant les gens et en les
soumettant ainsi au seul rythme des mandats
électoraux, et au service d’une société de
consommation qui a tout retraduit dans son langage,
y compris la domination et l’injustice sociale –
jusqu’à les rendre sacrifiables au nom de l’urgence
écologique. Alors que la domination et l’injustice
sociale sont bel et bien le moteur réel de la
destruction de l’environnement !
« Qu’importe les raisons, les arrières-pensées
et les concessions si on gagne quelque
chose ! », répondra-t-on. Et bien si, cela
importe, si les gains sont perçus en monnaie de
singe (n’y voir aucun animalisme). Il faut savoir se
contenter de gains graduels, mais il y a des effets
de seuil dans la graduation qui renversent aisément
ces gains en pure et simple perte. La loi européenne
contre la déforestation importée, votée en 2022, en
est une bonne illustration. Les raisons comptent
lorsqu’on cherche à se prémunir des conséquences, et
que l’on « négocie » avec plus fort que
soi.
Prenons l’exemple du consensus écologique le plus
solide : le climat et la pollution
atmosphérique. Que dire si les puissances qui y
étaient rétives y viennent parce qu’on a là affaire
à des dommages écologiques non confinables ? Et
oui, parce que c’est le problème avec l’air, il
circule partout : en revanche, la biodiversité,
la pollution des terres, et même des eaux, là, c’est
« gérable ». On peut fragmenter les
espaces, et payer des experts pour le faire
intelligemment. On peut construire un développement
différencié des territoires sur cette base – en
clair sacrifier les uns pour « sauver »
les autres, parce que « notre mode de vie n’est
pas négociable » –, un « même
bateau », comme on dit, qui devient vite le
canot de sauvetage de quelques privilégiés. Et puis
il y a des profits à faire – sur subvention
publique, cela va sans dire – avec les techniques
monstrueuses de production d’énergie
« propre » et de retraitement du carbone
atmosphérique. On peut même décroitre, si vous
voulez, tant que les marges de profits demeurent.
Tant qu’on est « réaliste », qu’on reste
dans une « écologie scientifique », une
écologie ajustée aux rapports sociaux de domination
à toutes les échelles qui structurent aujourd’hui
nos vies. Et c’est bien le problème d’un tel
système : tout risque, qu’il s’agisse de
nucléaire ou de dégradations écologiques, est traité
comme un risque encouru par un investissement. Un
jeu d’avantages et d’inconvénients compensables.
Rien de plus. Et l’enseignement des historiens est
clair : il en était déjà ainsi au 19e siècle,
et c’est en pleine conscience que les industriels et
leur appareil techno-scientifique ont « couru
le risque » de dévaster l’espace où ils se sont
déployés (19).
Que
faire de tout ceci ? De quoi le statut du
rapport Meadows (loin d'être le premier, loin de
marquer les débuts du militantisme, et même de
l’expertise, écologiste) est-il en réalité le signe
? 50 ans après, la « conscience »
écologique est, malgré tous les obstacles, plus
diffuse, elle imprègne les affects, et parfois les
modes de vie, de beaucoup de gens, notamment les
plus jeunes. Mais « écologie politique »
ne veut plus dire grand-chose. La pensée politique
écologiste naissante a été laminée par les forces de
l’ordre intellectuelles et physiques, au profit de
ce qu’Antoine Dubiau a très justement appelé une
« alphabétisation écologique de la
société » (20) : un drôle de mélange entre
diffusion d’éléments de langage, analyses
pseudo-scientifiques que plus grand-chose ne
distingue publiquement de véritables expertises,
comportements privés servant de signes extérieurs de
cette conscience, et ajustements des politiques
publiques en vue de traiter – et encore à l’échelle
d’une génération – les conséquences écologiques
« ingérables » et
« capitalisables ». Et pendant ce temps,
réactionnaires et néofascistes de toutes les
Nouvelles Droites extrémistes préparent
intellectuellement, avec un sérieux bien plus grand,
une version monstrueuse de la société écologiste
(21). Dans la fabrique du récit standard, réduire
les débuts de la conscience écologique au rapport
Meadows a servi une stratégie d’amnésie à l’encontre
des apports plus radicaux du mouvement écologiste.
L’ensauvagement de la société par l’écologie espérée
dans les années 70 n’a pas eu lieu, pas plus que la
co-construction et la diffusion des savoirs
collectifs qu’un tel bouleversement aurait supposé.
Cette première bataille est perdue, et nous le
payons aujourd’hui d’une relative cécité politique
collective face à certaines propositions supposément
écologistes, qui devraient en réalité nous effrayer,
pour la nature et pour nous-mêmes. Dans les années
70, les multinationales multipliaient les séminaires
internationaux où l’on s’inquiétait de ce que les
gens devenaient « ingouvernables ». Les
temps ont bien changé.
Mais tout est-il perdu ? En 1989, le FBI créait
la catégorie « écoterrorisme », une notion
déjà largement utilisée dans le monde anglo-saxon
depuis les années 70, pour répondre à un
durcissement du militantisme écologiste, et notre
cher Darmanin a bien montré que la classe dirigeante
est prête désormais à la dégainer au moindre petit
sabotage, un peu comme la violence déchaînée contre
la ZAD de Notre-Dame-des-Landes avaient pu être
justifiée par de chimériques caches d’armes, qui
n’ont bien sûr jamais été trouvées… Sentirait-elle
quelque chose venir ? Pourquoi sont-ils aux
aguets ? Rarement en France il n’y a eu autant
de travaux – souvent le fait de jeunes chercheurs –
si précis, radicaux et engagés, autour des questions
écologiques, que ces deux dernières années. En
quinze ans, plus largement, le thème de la
décroissance est redevenu « sérieux »,
politiquement et académiquement, après plus de vingt
ans de black out. Et depuis quand n’a-t-on pas vu
autant d’occupations de territoires, d’actions
directes et symboliques, d’études s’inquiétant de
l’éco-anxiété, d’activité associative, de
réorientation d’existence vers de nouveaux modes de
vie, dont les très médiatiques
« bifurqueurs » ne sont qu’une toute
petite partie, et sans doute pas la plus
représentative ? Après la sidération de 2020,
ces signes marquent-ils le début d’une nouvelle
bataille culturelle ? Peut-être, à condition
toutefois de faire un réel inventaire des luttes
passées pour se sortir des pièges institutionnels,
rhétoriques et médiatiques qui attendent tout
militant, de brûler les idoles (à commencer par le
mythe du rapport Meadows) et de tirer ainsi les
enseignements de la bataille que nous avons perdue,
au premier rang desquels celui-ci : il est
définitivement plus difficile d’orienter notre ordre
social vers des fins pour lesquels il n’est pas
fait, que de réorganiser notre société en
profondeur. Pragmatisme rime désormais avec
radicalité.
(1)
Faisant même l’objet d’une réédition en mars dernier
(édition Rue de l’Echiquier, spécialisée en ESS et
développement durable).
(2)
Le nouvel ordre écologique, réédité en poche en
2002. Le même Luc Ferry a réitéré en avril dernier
avec Les sept écologies (édition J’ai lu, 2022). Si
cette fois il fait droit à la diversité des
mouvements écologistes, il n’en qualifie pas moins
ceux « qui plaident pour la décroissance, comme
les écoféministes, les décoloniaux et les véganes,
qui considèrent la lutte pour l’environnement comme
indissociable de celle pour le droit des femmes, des
colonisés et des animaux », ainsi que tous ceux
qui associent écologie et critique du capitalisme,
d’« alarmistes révolutionnaires ».
L’intention reste la même, pour cet ancien
Chiraquien : désamorcer politiquement
l’écologie au nom d’un humanisme vague.
(3)
Il semble que l’expression apparaisse pour la
première fois dans la publication commune
UICN/PNUE/WWF, Stratégie mondiale de la
conservation : la conservation des ressources
vivantes au service du développement durable, 1980.
Voir D. Chartier, « Aux origines du flou
sémantique du développement durable. Une lecture
critique de La stratégie mondiale de la
conservation », in Ecologie et politique, n°29,
2004.
(4)
« Socialisme ou écofascisme », in Le
Sauvage, 1973, repris dans Ecologie et politique, Le
Seuil, 1978.
(5)
Voir son livre L’utopie ou la mort de 1973.
Auparavant, il était partisan d’une agriculture
intensive.
(6)
« Le sentiment de la nature, force
révolutionnaire », in Journal intérieur des
forces personnalistes du Sud-Ouest, 1937.
(7)
Même si son principal ouvrage, La société contre la
nature, date de 1972.
(8)
Le rapport Meadows amorce un type de démarche, qui
va vite devenir un standard : s’emparer de
modèles scientifiques à la mode (en l’occurrence, la
cybernétique), pour en faire un usage peu rigoureux
au service d’une heuristique écologiste – le dernier
exemple étant l’usage de la théorie
transdisciplinaire des systèmes complexes par la
littérature collapsologique. La limite de ce type de
démarche est que le manque de rigueur scientifique
risque toujours de servir d’arguments contre les
conclusions défendues, y compris lorsque ces
conclusions sont déjà solidement établies par
ailleurs. Exemplairement, la collapsologie fait une
usage déterministe du modèle des systèmes complexes
(en gros, une version élaborée de la métaphore de
l’effet domino ou de l’effet papillon), alors que le
coeur de la théorie des systèmes complexes est
justement que plus un système est complexe, plus ses
évolutions sont imprévisibles… Ce que
l’évolutionnisme avait déjà largement établi dans
l’étude du vivant.
(9)
Depuis 1965, de nombreux rapports d’experts font
déjà état du changement climatique et de ses
facteurs anthropiques. Le comité scientifique de la
Maison Blanche produit un rapport détaillé en 1965.
Il en est largement question en France en 1968 lors
d’un colloque de la Datar. En 1970 et 1971 le MIT,
déjà, produit deux rapports, Study of Critical
Environmental Problems et Study of Man’s Impact on
Climate. Une trentaine de climatologues font
paraître, en 1971 toujours, Inadvertent Climate
Modification. Enfin, on sait aujourd’hui que Total
disposait d’un rapport très précis sur l’impact des
hydrocarbures sur le climat, dès 1971 (C. Bonneuil,
P.-L. Choquet, B. Franta, « Early warnings and
emerging accountability : Total’s responses to
global warming, 1971–2021 », Global
Environmental Change, 2021).
(10)
Ibid.
(11)
Stéphane Foucart, « L’appel d’Heidelberg, une
initiative fumeuse », Le Monde, 16 juin
2012 ; Francois Jarrige, Technocritiques :
Du refus des machines à la contestation des
technosciences, Paris, La Découverte, 2016.
(12)
1992, op. cit., note 2.
(13)
Le terme est créé par l’ingénieur californien
William Henry Smyth, en 1919
(« Technocracy : Ways and Means to Gain
Industrial Democracy », Industrial Management),
pour lui, une forme de démocratie mais passant par
de nouveaux types de représentants, les experts,
gagnant leur statut, non par élection, mais par
compétence. Il inspire deux lobbies puissants, aux
Etats-Unis : la Technical Alliance, dès le
début des années 20, puis, à partir de 1931,
Technocracy Incorporated. Si ce mouvement décline
après 45, l’esprit en demeure dans nombre de think
tanks depuis. Dès les années 20, son thème favori
est le gouvernement de la société par le
gouvernement des sources d’énergie – et l’on
reconnaît aisément cette question du contrôle de
l’énergie, aujourd’hui, derrière toutes les
velléités technocratiques contemporaines. Elles
expliquent en partie le primat d’un modèle
hyper-centralisé et non-démocratique de la
production énergétique.
(14)
Voir notamment l’apport de Walter Lippmann (dans
notre livre Walter Lippmann, d’un néolibéralisme à
l’autre, 2020) dans la constitution du
néolibéralisme : l’objection de Lippmann, à la
technocratie de son époque, consistait à dire que
l’exercice d’un leadership, à la tête d’une
organisation (qu’elle soit étatique ou privée),
engendre sa propre compétence, irréductible à toute
forme d’expertise scientifique séparée – la
compétence du leader est essentiellement liée à
l’exercice de sa fonction (dans une perspective qui
se veut pragmatique). Les experts scientifiques sont
des ressources, mais pas des substituts aux leaders
dont toute société qui ne veut pas sombrer dans le
chaos (soutient Lippmann) a besoin. Quant aux
revendications des « gouvernés », elles ne
sont que des symptômes que savent lire les grands
leaders. Aujourd’hui, cette thèse – consubstantielle
à l’élitisme néolibéral – est souvent qualifiée,
elle aussi, de technocratique par ceux qui la
critiquent.
(15)
Le principe responsabilité : une éthique pour
la civilisation technologique, 1979. On estime
souvent qu’il est l’inspirateur de la définition du
développement durable issue du Rapport Brundtland,
le rapport final, produit en 1987, par la Commission
Mondiale sur l’Environnement et le Développement,
mise en place en 1983 par l’ONU. « Le
développement durable est un mode de développement
qui répond aux besoins des générations présentes
sans compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs ». Une telle
définition laisse un immense point
d’interrogation : celui de la définition des
besoins (y compris le droit de la génération
présente à définir indirectement les besoins
futurs). L’attitude la plus fréquente, face à cette
difficulté, est celle que l’on trouve déjà chez
Jonas : s’en remettre à une commission
d’experts pour définir ces besoins. Les choses sont
en réalité plus complexes chez Jonas, puisqu’il
participe d’une perception encore plus
élitiste : en réalité, cette inclusion des
besoins des générations futures n’est que le
substitut d’une éthique « plus haute » –
dont bien peu seraient capables, à ses yeux – qui
accorde à tout vivant une égale dignité (ce qui
rattache Jonas au mouvement de l’écologie profonde).
L’« heuristique de la peur » (amener les
gens à admettre les réquisits d’une telle éthique
par la menace des conséquences environnementales) se
comprend dans cette perspective, fortement élitiste.
C’est également en référence au « principe
responsabilité » de Jonas qu’est formulé, dans
la Déclaration de Rio, le « principe de
précaution ».
(16)
https://www.arte.tv/fr/videos/094503-000-A/le-systeme-total-anatomie-d-une-multinationale-de-l-energie/
(17)
Du temps acheté : La crise sans cesse ajournée
du capitalisme démocratique (2013), Paris,
Gallimard, 2014, pour la traduction française. Le
sociologue allemand joue sur l’expression anglaise
buying times, équivalent du français « gagner
du temps ». Il montre comment toute la
gouvernance politique et économique, depuis 1945, se
comprend en tirant les leçons de la Grande
Dépression des années 30, et en intégrant la
critique marxiste du capitalisme : oui, le
capitalisme est structurellement voué à la crise,
donc il ne va pas s’effondrer puisqu’il a toujours
survécu en cultivant l’art de toujours repousser sa
crise ultime – il est fait pour avancer sous menace
critique. Ce qui revient à dire que la gouvernance
capitaliste repose sur la capacité à absorber toutes
les critiques, et tous les modes alternatifs de
conduite sociale (ex. Le management intègre petit à
petit toute l’expérience associative et libertaire,
depuis les années 30, pour en faire des techniques
de contrôle du salariat). Son ethos repose sur l’art
de forger des consensus qui lui sont favorables
(typiquement le compromis social d’après-guerre), en
prenant le temps de retraduire toutes les exigences
sociales, avant de les satisfaire : il a l’art
de gagner (acheter) du temps. Si Streeck ne le fait
pas (pas plus qu’il n’irait jusqu’à réduire, comme
je le fais, le compromis d’après-guerre à une
stratégie du Capital), on peut tout à fait
comprendre le délai imprimé aux mesures écologistes
comme une semblable stratégie, dont le
climato-scepticisme ne serait qu’une étape
provisoire.
(18)
Pas de références précises : c’est une tournure
orale récurrente que nombre de témoins lui
attribuent.
(19)
Jean-Baptiste Fressoz, L’Apocalypse joyeuse. Une
histoire du risque technologique, Paris, Seuil,
2012. C’est à cet historien que l’on doit aussi
d’avoir établi que jamais, dans l’histoire de ces
trois derniers siècles, une source d’énergie n’en a
remplacé une autre, dans un régime de croissance
économique. 2021 vient confirmer ce constat :
cette année bat les records de consommation
d’énergie tirée du pétrole, du renouvelable, du
nucléaire et du charbon – tout à la fois ! Y
compris dans les consommations indirectes d’un pays
comme la France, qui a pourtant officiellement mis
fin à son industrie du charbon ! C’est un
argument fort contre tout technosolutionnisme visant
le remplacement des énergies carbonées par des
énergies non-carbonnées, sans s’engager dans une
quelconque décroissance.
(20)
Ecofascismes, Editions Grevis, 2022. Précisons que
ce géographe est résolument écologiste.
(21)
Ibid. Dans la deuxième partie du livre, il revient
notamment sur l’écologie intégrale et les
déclinaisons réactionnaires de l’encyclique du pape
François Laudato Si (qu’illustre bien la revue
Limites, issue principalement de jeunes acteurs de
la Manif Pour Tous, comme Marianne Durano et
Gaultier Bès), mais aussi toutes la nébuleuse
tournant autour d’Alain de Benoist, du GRECE et de
la revue Krisis, et bien d’autres, qui s’attèlent,
depuis le début des années 80, à transposer, dans un
langage réactionnaire et/ou fasciste, un certain
nombre de thématiques écologistes disponibles, du
fait de l’affaiblissement des courants écologistes
radicaux : l’enracinement, le primat du local,
le besoin de faire communauté, la critique de la
technologie moderne, l’égale dignité des vivants
(qui devient vite un argumentaire anti-IVG), ou même
simplement l’idée ambiguë que la nature fournit des
normes aux sociétés humaines (qui fournit tous les
prétextes d’un nouvel « ordre moral »,
voire une renaturalisation du racisme, via
l’interaction supposée adaptative de chaque culture
à un environnement naturel immuable). Si ces thèmes,
sous leur forme fascisée, ne passent pas encore
durablement la rampe de l’existence médiatique du
FN/RN, on relève déjà des frémissements, bien
antérieurs aux récentes références de Marine Le Pen
à une « société écologique » : qu’il
s’agisse de Bruno Maigret et Pierre Vial, dans les
années 90, ou plus récemment de Laurent Ozon et de
la création du parti Les Localistes (microparti
satellite du RN et spécialisé sur ces questions,
fondé par Hervé Juvin et Andréa Kotarac). Antoine
Dubiau en tire la nécessité de reprendre à bras le
corps un travail intellectuel de fond sur ces
thématiques, mais il oscille entre une nécessaire
co-construction démocratique des savoirs – que
j’appelle aussi de mes vœux – et une surenchère de
recours à l’expertise (exemplairement les analyses
du territoire tirées de sa discipline, la
géographie), sur fond de redoublement de la
rhétorique de la menace – aux menaces
environnementales s’ajouteraient les menaces
écofascistes.