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  Pas d'Eclat! - 24 février 2023

PLUi : Enquête publique

CCMT Communauté de Communes Mâconnais-Tournugeois

Vous pouvez formuler vos observations jusqu'au 24 mars 2023

Le PLUi comprend l'aménagement de l'entrée nord de Tournus avec un parc de loisirs (Eclat), un parking de 900 places, un rond-point, une haute passerelle au-dessus de la voie ferrée, sur plus de 20 ha de riches terres agricoles.

Pour protéger les riches terres de la Preste, déposez votre contribution.

Pour plus d'informations et d'analyses, rendez-vous sur le site https://www.pasdeclat.fr/ qui, sur de nombreux points du projet de PLUi, décline l'argumentation de l'association Champs Libres et souligne les avis de la MRAE.
D'autres aspects du PLUi sont développés dans les contributions très riches et documentées que vous pouvez consulter sur le registre, en particulier les N°7 (Champs Libres), n° 35 (PMD), n°13 (FNE71), n°6 (EcologicAction).

Pour déposer votre contribution : https://www.registre-dematerialise.fr/4330/contributions


   Reportages


   L'instant d'après
Discours d'introduction de Claire Mallard

Mesdames messieurs, cher e s ami e s,
La fréquentation de ces rencontres dépasse nettement nos attentes, probablement près de 400 participant.e.s et nous vous prions vraiment de faire preuve d'indulgence pour les problèmes d'organisation, en particulier l'accès à certains ateliers qui risque d'être parfois compliqué.
Au nom du collectif l’instant d’après, collectif d’activistes, d’élus et d’habitants du Mâconnais Clunisois, j'ouvre avec grand plaisir ces rencontres que nous préparons depuis plusieurs mois ici. Plaisir terni par le décès de Bruno Latour, le plus bourguignon des penseurs de l’écologie, à qui nous rendrons hommage tout le long de ces deux jours.
Nos rencontres se tiennent dans un contexte particulièrement tendu et anxiogène à l’échelle nationale comme à l’échelle internationale .
Tout ce qui semblait établi et solide paraît ébranlé, des habitudes de vie apparemment immuables sont chamboulées, la pénurie devient possible dans des domaines, pour des produits ou des services qui parvenaient à nous presque automatiquement, comme hors sol, tellement nous en interrogeons peu la provenance ou les conditions de production. Le pétrole, l’électricité, l’eau. Des produits alimentaires venus de loin ou de près, dont les prix flambent parce que tout simplement leur production devient aléatoire. L’idée que tout puisse s’arrêter en raison d’une pandémie liée aux dérèglements du vivant ne relève plus de la science-fiction. Sans compter les situations de catastrophes climatiques qui présentent des factures astronomiques aux particuliers comme aux États, surtout aux populations les plus pauvres du monde entier, ce qui constitue autant de facteurs à venir pour de nouveaux désordres.
Nous pourrions nous féliciter d’avoir été les premiers à lancer les alertes mais l’accélération des crises écologiques, si elle peut causer de la sidération ou de l’anxiété, ne produit spontanément aucun effet automatique de réajustement.
Nous savons nous, que ces crises, qui se cumulent et se combinent, impliquent (et rapidement) des ruptures fondamentales avec la façon dont nos sociétés fonctionnent depuis des dizaines d’années. Retrouver le lien avec la terre et le vivant, habiter, travailler et consommer autrement, interroger vraiment ce qui est indispensable et ce qui l’est moins, c'est d'une immense métamorphose de civilisation dont il est question.
Ces ruptures touchent aux formes de pouvoirs, de coopération et de domination, à l'intrication des relations entre les personnes, parfois à l'image que nous avons de notre place dans la société. Nous devons nommer, désigner nos adversaires et les obstacles, en appeler contre eux aux soulèvements de la terre, sans pourtant appeler à la guerre de chacun contre tous bien au contraire évidemment.
Nous devons montrer comment l’avènement d’une société écologique, c’est à dire qui ramène l’économie au-dessous de ce que peut supporter la Planète, peut nous faire vivre mieux, mais nous avons mis tellement de retard à décrire cette société écologique.
Nous devons agir ici, mais pas plus qu’il n’y avait de socialisme dans un seul pays, il n’y a de vraies frontières entre les écosystèmes.
Nous sommes des amis de la science et de la technique mais nous n’aimons pas la façon dont elles sont embarquées par l’extractivisme, l’économie coloniale de plantation et pour tout dire par le capitalisme.
Et nous n’avons peur de rien : ni de parler de sobriété dans une région viticole, ni d’en appeler à la baisse de la consommation carnée en plein charolais, ni de vouloir sortir du nucléaire à 50 kilomètres de là où l'on fabrique les cuves d’EPR. De lenteur quand les gens ne s’arrêtent pas, de droit à la paresse alors que certains ploient sous le surtravail .
Car mème les mots peuvent nous jouer des tours.
Dans une situation inédite, nous ne pourrons pas dire les transformations de l'avenir avec les mots et les seuls imaginaires du passé. Mais nous savons aussi que les gens raisonnent avec les mots qui leur sont familiers, ceux de république, ceux de progrès, de travail voire de croissance, ceux de nature ou d’environnement, qui appartiennent tous aux vocabulaires des batailles antérieures.
C’est pour faire le point sur tous ces paradoxes que nous avons souhaité ces rencontres.
Nous avons progressé et nos sociétés ont avancé également depuis les débuts du mouvement écologiste.
Nous sommes cependant, comme elle, l’objet d'un pilonnage intense des tenants de la nostalgie, de la fureur du tout sécuritaire, de la désignation de toute sorte de boucs émissaires. Une course de vitesse est ainsi engagée entre une sortie humaniste des crises globales et une issue barbare de la guerre et de la violence contre soi-même.
Au-delà des trajectoires diverses par lesquelles on y arrive, dont témoigne la diversité des doctrines et des concepts, nous avons en situation d’urgence, à peaufiner le discours et l'imaginaire du futur écologique.
Comme dans la célèbre BD de l'an 01, on s'arrête et on réfléchit. On n'a pas le temps de réfléchir mais on doit le prendre quand même car si notre action est plus que modeste, notre responsabilité est pourtant immense. Face au système des dominations et des destructions massives, le repli sur soi et l’idéologie national-populiste semble être le récit protecteur qui rassure nos concitoyennes et concitoyens. C’est bien ce temps historique dans lequel nous sommes aujourd’hui et qui a motivé les membres de l’Instant d’Après à ce que nous soyons réunis aujourd’hui ensemble. Humblement, nous avons souhaité contribuer à poser des fondations solides au renouvèlement des pensées écologistes pour qu’elles soient désirées et désirables par le plus grand nombre.
Nous n’allons pas en 48 heures bouleverser l’état des connaissances, ni aller plus loin que bien des réunions savantes.
Notre propos est modeste ! Contribuer à un premier état des lieux ; baliser les controverses, les faire travailler tranquillement, tout en pointant les plages de ce qui va nous rassembler, pour aider la société à trouver en elle-même les ressources, les voies et le pouvoir d’agir .
Vous êtes ainsi invité.e.s à participer à ces rencontres non seulement pour l’intérêt que vous allez y trouver personnellement, mais en vous demandant comment, en fonction des situations que vous connaissez, vous pouvez faire rebondir le débat et participer de l'effort commun pour faire réseau.
Bonnes réflexions !
  Mégabassines - Local Libertaire

Reportage de Nicolas Bassand
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   12 février 2022 - Arnaud Milanese
 

Le rapport Meadows – quelques rappels utiles sur la courte histoire d’une légende

Le rapport Meadows (Les limites de la croissance) fête ses 50 ans. Avec le temps, il s’est imposé comme le rapport de référence, amorçant une prise de conscience écologique à l’échelle mondiale (1). Autour de lui, s’est construit un récit standard des 50 dernières années : à trente ans à peine, l’ingénieur du MIT, Dennis Meadows, entouré de Dana Meadows, Jorgen Randers et William Behrens, établit le lien entre le développement des activités économiques du monde industriel et une crise écologique dont nous ne pouvions alors qu’envisager les prémisses – la croissance, selon le titre du rapport, atteignait ses limites naturelles dans un monde fini. Longtemps, toujours selon ce récit, ces « visionnaires » ont prêché dans le désert, eux et ceux qui portaient dans l’espace public les constats établis dans ce rapport. Le climato-scepticisme avait la peau dure, les pouvoirs publics, l’industrie et une bonne partie des intellectuels (que l’on pense en France au brûlot commis par Luc Ferry en 1992, par exemple (2)) restaient sourds, et l’opinion publique, timide. Mais, peu à peu, des mouvements écologistes se sont structurés en partis politiques, l’ONU crée la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement en 1983, le GIEC est créé en 1988, 1992 est aussi l’année du sommet de Rio, qui popularise la notion de développement durable, issue des travaux de la commission onusienne (3), fixe un cap, et donne naissance à la Conference of Parties (COP), dont la 21e a, en 2015, produit le fameux « Accord de Paris », fixant, pour la première fois, des objectifs juridiquement contraignants. Dans le même temps, les enjeux écologiques pénétraient, plus ou moins, tous les discours politiques.
Ce récit est devenu une telle évidence que toute critique du rapport Meadows, et surtout des conditions de sa production, est devenue une manière efficace d’être taxé de climato-sceptique. Aussi efficace que de douter du discours « effondriste », ou de l’impact écologique positif de la plupart des mesures techniques mises en œuvre à l’échelle industrielle. Et pourtant. Qui a lu ce rapport ? Qui se souvient de ses commanditaires et du contexte politique précis dans lequel il est produit ? Le récit standard, dont il sert de point de départ, est-il vraiment le récit des mouvements écologistes dans leur diversité, et surtout dans leur radicalité et leur lucidité ? Aucun mouvement social ne prend force sans entretenir lui-même sa mémoire. A l’heure où beaucoup déplorent, saluent ou espèrent une nouvelle radicalisation des mouvements écologistes, où beaucoup inscrivent ce tournant dans leur propre vie, au-delà des « gestes », ce papier veut contribuer à une nécessaire réappropriation, par le militantisme écologiste, de sa propre histoire, trop souvent confisquée.

Ce qu’a signifié le rapport Meadows

Le récit que je viens de reconstituer est fortement biaisé, au point qu’il suffit d’en pointer les omissions pour réveiller une saine méfiance. Entre autres témoignages, rappelons comment un écologiste français convaincu a pu l’accueillir à l’époque : « la première réaction, chez beaucoup d’entre nous (les écologistes), était jubilante : enfin, le capitalisme avouait ses crimes » (André Gorz (4)). « Enfin », parce que ces « crimes » étaient largement connus, et la conscience écologique n’a absolument pas attendu le rapport Meadows. Les quatre auteurs du rapport de 1972 étaient-ils des « visionnaires », ou les porte-parole d’un « aveu » déjà tardif ?
Tout d’abord, donc, la conscience écologiste a largement précédé le rapport Meadows. Si René Dumont, agronome et premier candidat écologiste à la présidentielle française en 1974, est un converti tardif (5), le botaniste Roger Heim publie, en 1952 déjà, Destruction et protection de la nature, qui eut un réel écho. Bernard Charbonneau (dont le premier article écologiste date de 1937 (6)), Serge Moscovici (7) et bien d’autres témoignent eux aussi d’une conscience écologique bien antérieure, en France, et qui se développe au cours des années 60-70, croisant critiques de la technologie et de la société de consommation. Mai 68 donna un écho considérable à ce discours. En 1971, la France crée son Ministère de l’environnement.
Aux Etats-Unis, y compris à l’échelle publique, l’antériorité est plus nette encore. La crainte de la bombe atomique s’élargit, dès les années 50, à une conscience aiguë de l’impact technologique sur la planète. Murray Bookchin et d’autres multiplient les alertes, les interventions et les rapports sur toutes les formes de pollution et de destruction de l’environnement. Et le début des années 60 voient les publications majeures se multiplier : The Waste Makers, en 1960, de l’économiste et sociologue Vance Packard (traduit en français en 1962), Our Synthetic Environment, de Murray Bookchin, en 1962, et surtout, en 1962 toujours, le best-seller de la biologiste Rachel Carson, Silent Spring, tout de suite traduit dans de multiples langues (en français, dès 1963). Les mouvements d’opinion, dont le succès du livre de Carson est le témoin et le catalyseur, conduisent, à partir de luttes qui seront finalement victorieuses pour faire interdire le DDT, à la création aux Etats-Unis de l’Environmental Defense Fund en 1967, aux lois « Clean Air, Clean Water and Endangered Species », et à la création de l’United States Environmental Protection Agency, en 1970, suite aux dizaines de millions de personnes dans la rue pour le premier « Jour de la Terre », le 22 avril de la même année.
A tout cela s’ajoute une résistance précoce d’économistes de tout premier plan : ainsi Arthur C. Pigou, économiste britannique du Welfare, élabore, dès le début des années 50, des modèles économiques de taxation de la pollution, et Karl W. Kapp, économiste allemand, propose, lui aussi au début des années 50, des modèles économiques élaborés pour inclure le coût social et environnemental de la croissance dans son évaluation. Ce ne sont ni des cas isolés ni des économistes de second plan. Plus globalement, dès le début de la politique de croissance popularisée par le président Truman, notamment, en 1949, ce nouveau mantra de l’immédiat après-guerre rencontre des oppositions fortes de toute part, qui culminent notamment avec The Cost of Economic Growth (1967), de Ezra J. Mishan, membre de la très influente London School of Economics – une synthèse de dix années de travail balisant tous les arguments anti-croissance des années qui suivirent et reposant sur une extension de la notion de coût à toutes les conséquences, humaines et environnementales, de l’activité économique.
Plus encore, les débats écologistes sont si intenses que l’on peut déjà distinguer entre (simple) environnementalisme – la prise en compte des atteintes environnementales dans la conduite de l’activité économique et une sensibilité accrue aux impacts sur la nature des activités humaines – et « écologie sociale » (appelée plutôt, en France, « écologie politique »), qui estime que des changements socio-économiques plus radicaux seront nécessaires – mettre fin aux rapports de domination pour mettre fin à l’organisation sociale qui détruit la planète. Si la notion d’« écologie profonde » (par opposition à une écologie « superficielle ») – attribuer à tout être vivant une égale dignité, impliquant une nouvelle forme d’éthique – n’apparaît, semble-t-il, qu’en 1973, sous la plume d’Arne Naess, elle ressaisit des idées déjà développées dans les années 60. Et de toute part, la question de la décroissance, ou, a minima, de manières alternatives d’évaluer le développement, sont ardemment discutées au sein des différentes formes d’écologisme – bien au-delà du cercle des économistes. La politisation de l’écologie est pleinement active, croisant militantisme intense et travail scientifique engagé.
Le rapport Meadows arrive donc au cours d’une bataille déjà largement engagée, et la question reste entière de savoir ce qu’il y a signifié.
Car, second point, le rapport Meadows n’était pas du tout le fait de quelques visionnaires, mais constituait, à la fois, une reconnaissance et une confiscation.
Pour le comprendre, il faut revenir sur son histoire. Quelques puissants décideurs, dont la fondation Rockefeller, composant le très conservateur Club de Rome, commandent aux ingénieurs du MIT un rapport sur l’impact climatique de l’activité humaine : le rapport Meadows est la réponse à cette commande. Les constats qu’on y trouve documentés sont déjà largement consensuels à l’époque, dans le monde des écologistes, et ses préconisations sont, pour la plupart, déjà défendues par ailleurs, et pour plusieurs assez timides, mais dans tous les cas le rapport s’en tient à celles qui font le plus consensus alors : inflexion de la croissance à partir de 1975, dans les pays « développés », mais triplement de la production industrielle mondiale pour 1990 (!!!), en réduisant au quart la consommation de ressources minérales. Ce qui impliquait la production de biens plus durables, le recyclage et la réduction des gaspillages (déjà le B A BA des revendications écologistes), mais aussi le développement accéléré de l’économie « immatérielle » – incluant, notamment, la marchandisation plus poussée de biens et services jusque-là non marchands, pour compenser les « pertes » industrielles. Une relative décrue industrielle au prix d’une croissance exponentielle de la marchandisation. Le tout appuyé sur des chiffres et des modèles dont beaucoup ont été immédiatement critiqués (y compris et surtout par ceux qui en validaient pourtant les constats) (8), et sur une expertise guère supérieure à celle de nombreuses études déjà disponibles (9).
Quel écho de l’ébullition écologiste évoquée plus haut dans le rapport Meadows ? Rien sur le changement d’échelle des unités de production. Rien sur la réorientation technologique vers des procédés plus maîtrisables à échelle humaine. Rien sur les critiques de la société de consommation, occultant structurellement toute réflexion sur la production des marchandises et la réalité des besoins humains. Presque rien sur la redynamisation du monde rural. Donc rien sur ce qui faisait déjà le coeur de la réflexion écologiste la plus avancée. Mais à la place une ambiguë promotion de l’économie « immatérielle ».
On connaît la suite : la résistance des industries pétrolières et la « révolution » numérique, qui a montré que économie « immatérielle » rimait en réalité avec nouvel extractivisme, toujours plus destructeur, mais « pas chez nous », invisibilisé. Cette suite a contribué rétrospectivement à attribuer au rapport Meadows la radicalité qu’il n’avait pas.
Creusons un peu encore. Notre témoin de 1973 l’avait déjà identifié, et nombre d’écologistes (en seconde réaction, donc) suivent alors ce constat : « Quand le rapport Meadows envisage le triplement de la production industrielle mondiale, tout en recommandant sa non-croissance dans les pays industrialisés, n’est-ce pas à (une) vision néo-impérialiste de l’avenir qu’il se réfère implicitement ? » (10). Laquelle ? Et bien la localisation des productions polluantes – et pas seulement l’extraction – dans les pays dits, à l’époque, du « Tiers-monde ». En somme, ce rapport annonçait largement le redéploiement mondial du capitalisme qui allait suivre (même contre une bonne part des intentions de leurs pauvres auteurs), y compris, par exemple, l’explosion de la marchandisation touristique et la bétonisation massive qui l’a accompagnée, sans parler de l’explosion de l’émission de CO2 par les transports, puis la démultiplication des extractions polluantes et socialement désastreuses qui ont accompagné l’économie dite « dématérialisée » des années 80-90. Et ce, même si « Tiers-Monde » renvoie à une réalité reconfigurée : les rapports de domination entre territoires sont aussi restées en partie internes à nombre de pays industriellement développés (que l’on pense à l’extraction du pétrole et du gaz de schiste aux Etats-Unis, à l’extraction des doublement mal nommées « terres rares » par la Chine, ou même, à plus petite échelle, à la bétonisation des côtes et des zones cultivables pour des raisons touristiques). On reconnaît là parfaitement le néo-impérialisme du Club de Rome et du capitalisme depuis 50 ans au moins.

La contre-histoire d’une première défaite

Que s’est-il passé en 1972 ? Il faut je crois faire un détour par 1992 pour le comprendre, et par l’« appel de Heidelberg », qui entourait le sommet de Rio : ce texte, écrit par Michel Salomon, et signé par près de 4000 scientifiques dont 72 prix Nobel (plusieurs signataires l’ont regretté ensuite…), s’inquiétait alors de « l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès scientifique et industriel et nuit au développement économique et social ». On sait aujourd’hui qu’il fut commandité par l’industrie de l’amiante (11). Mais il n’était pourtant pas climato-sceptique : il défendait le développement d’une « écologie scientifique », sur le modèle du rapport Meadows et du travail du GIEC d’alors, contre le militantisme et les associations écologistes, plus radicaux dans leurs exigences, et en réalité bien plus « visionnaires » sur les changements sociaux nécessaires. Bref, on est dans le même esprit que le livre de Luc Ferry, qui n’hésitait pas à voir dans le nazisme la source de l’essentiel de cet écologisme « irrationnel » (qu’il réduisait à une lecture caricaturale de l’écologie profonde) (12).
Qu’appelle-t-on ici « écologie scientifique », quand on sait que les courants spiritualistes fumeux n’ont toujours représenté qu’une infime partie d’une littérature écologiste militante qui appuie ses constats depuis le début sur des enquêtes et des travaux scientifiques, et compte, parmi ses auteurs, des scientifiques ou des ingénieurs patentés ? Et bien, précisément la configuration qu’illustre, parmi bien d’autres depuis, le rapport Meadows : quelques dizaines des plus grands décideurs du monde contemporain commandent un rapport et évaluent la manière de tenir compte, au nom du reste de la planète, de ses recommandations. En somme, précisément ce que l’on nomme depuis les années 20, aux Etats-Unis, une technocratie (13) – quitte à se disputer ensuite, entre puissants, pour savoir si elle doit reposer directement sur l’autorité de quelques experts, comme le préconise un Jean-Marc Jancovici, ou si les leaders actuels conservent leur leadership, en l’éclairant du recours ponctuel à une expertise choisie et dévouée (c’est cette seconde option qui a contribué à la naissance du néolibéralisme (14)). Le résultat en est toujours le même : une réorientation du capitalisme, non remis en cause, associé souvent à un relent réactionnaire que le néo-impérialisme du rapport Meadows illustre bien.
Le statut aujourd’hui consensuel de ce rapport ne serait donc que l’un des symboles, avec l’écrasement policier du contre-sommet de Gênes en 2001, de la défaite du militantisme écologiste, plus radical des années 70 – et en réalité plus réaliste –, qui voyait dans un sursaut démocratique, décentralisateur et décroissant le nouveau mode de vie, anti-capitaliste, qu’appelait la crise écologique – une perspective qui a l’immense avantage de dépeindre la sobriété autrement que sous les couleurs de la privation sous menace (ou de ce que Hans Jonas nommait, en l’appelant de ses vœux, l’« heuristique de la peur » (15)) !
Car, comme le disent la poignée d’ingénieurs développement et de financiers de Total Energies, filmés, en réunion, dans le reportage qu’Arte y a consacré : « nous » ne nions pas la crise écologique, mais son traitement est « notre » affaire (16). 1972 signe donc le début d’une première bataille culturelle de l’écologie, celle des années 70, une bataille qui a bel et bien été perdue pour qui croit que la crise écologique appelle un bouleversement fondamental de la société, vers bien plus d’horizontalité et de co-constructions. Autre symbole de cette défaite : lorsque les écologistes parlent d’énergies solaire et éolienne, dans les années 70, ils parlent tous de production low tech, contrôlable, « bricolable », et ainsi démocratique et ajustable aux besoins d’un territoire, ce qui impliquait un redéploiement complet du mode de production et de distribution des énergies ; aujourd’hui, on parle le plus souvent d’innovations techniques, de béton et d’extraction en masse de terres rares, pour produire de véritables centrales ajustées aux réseaux énergétiques tels que l’industrie et les Etats les ont créés. Que des « écologistes » en viennent même, parfois, à défendre le nucléaire n’est que la cerise sur le gâteau – ou le dernier tour de verrou du There Is No Alternative.
Le statut du rapport Meadows, 50 ans après, serait bien, de ce point de vue, le monument d’une défaite. Le récit standard dont nous sommes partis est en réalité celui d’une institutionnalisation plus qu’ambivalente des mouvements écologistes, sous une forme visant à les rendre indolores pour l’ordre social responsable de la prédation que ces mouvements ont su penser et combattre. Il acte l’occultation de ce que pouvait avoir de révolutionnaire le mouvement écologiste.
A tout cela les tenants de ce récit standard ont une réponse bien rodée : l’enjeu est tel et les forces en présence sont telles qu’il faut bien des compromis pour gérer les urgences, gagner du temps sur la dégradation environnementale, accepter des priorités – le climat par rapport à la biodiversité, par exemple, voire le climat plutôt que la justice sociale.
Ce discours est bien rodé parce que le piège s’est refermé – nous sommes tous lost in transition. Parce que la stratégie du consensus large, mainte fois formulée, jusque dans la récente collapsologie, est un échec, prévu par nombre d’écologistes depuis le début. Dépolitiser, dé-cliver le discours écologique parce que nous aurions besoin d’un tel consensus pour être efficaces, et gagner ce qu’on peut gagner : c’est oublier que, si les limites de l’environnement sont un fait, ce que ce fait signifie pour nous, en pratique et collectivement, peut prendre des formes extrêmement différentes, voire franchement opposées – tenant compte plus ou moins, et pour des raisons très variables, de ces limites. Chercher le consensus a minima avec un mode d’organisation sociale tournant autour des investissements privés et des retours sur investissements privés (les « opportunités de profit »), dont la spécialité est précisément de toujours savoir « gagner du temps » (Wolfgang Streeck (17)), il fallait bien être aveugle – ou sidéré par la peur – pour trouver cela réaliste ou pragmatique. Car ce que beaucoup n’ose même plus appeler capitalisme (de peur sans doute de « cliver ») implique une incapacité foncière à traiter la crise écologique. Il n’est certes pas court-termiste, comme on le dit parfois, il prévoit loin, pour dégager à court-terme des opportunités de profit, loin, mais jamais plus loin qu’une génération (« à long terme, nous serons tous morts », disait souvent Keynes (18)). En revanche, il a rendu les démocraties court-termistes, en dépolitisant les gens et en les soumettant ainsi au seul rythme des mandats électoraux, et au service d’une société de consommation qui a tout retraduit dans son langage, y compris la domination et l’injustice sociale – jusqu’à les rendre sacrifiables au nom de l’urgence écologique. Alors que la domination et l’injustice sociale sont bel et bien le moteur réel de la destruction de l’environnement !
« Qu’importe les raisons, les arrières-pensées et les concessions si on gagne quelque chose ! », répondra-t-on. Et bien si, cela importe, si les gains sont perçus en monnaie de singe (n’y voir aucun animalisme). Il faut savoir se contenter de gains graduels, mais il y a des effets de seuil dans la graduation qui renversent aisément ces gains en pure et simple perte. La loi européenne contre la déforestation importée, votée en 2022, en est une bonne illustration. Les raisons comptent lorsqu’on cherche à se prémunir des conséquences, et que l’on « négocie » avec plus fort que soi.
Prenons l’exemple du consensus écologique le plus solide : le climat et la pollution atmosphérique. Que dire si les puissances qui y étaient rétives y viennent parce qu’on a là affaire à des dommages écologiques non confinables ? Et oui, parce que c’est le problème avec l’air, il circule partout : en revanche, la biodiversité, la pollution des terres, et même des eaux, là, c’est « gérable ». On peut fragmenter les espaces, et payer des experts pour le faire intelligemment. On peut construire un développement différencié des territoires sur cette base – en clair sacrifier les uns pour « sauver » les autres, parce que « notre mode de vie n’est pas négociable » –, un « même bateau », comme on dit, qui devient vite le canot de sauvetage de quelques privilégiés. Et puis il y a des profits à faire – sur subvention publique, cela va sans dire – avec les techniques monstrueuses de production d’énergie « propre » et de retraitement du carbone atmosphérique. On peut même décroitre, si vous voulez, tant que les marges de profits demeurent. Tant qu’on est « réaliste », qu’on reste dans une « écologie scientifique », une écologie ajustée aux rapports sociaux de domination à toutes les échelles qui structurent aujourd’hui nos vies. Et c’est bien le problème d’un tel système : tout risque, qu’il s’agisse de nucléaire ou de dégradations écologiques, est traité comme un risque encouru par un investissement. Un jeu d’avantages et d’inconvénients compensables. Rien de plus. Et l’enseignement des historiens est clair : il en était déjà ainsi au 19e siècle, et c’est en pleine conscience que les industriels et leur appareil techno-scientifique ont « couru le risque » de dévaster l’espace où ils se sont déployés (19).

Que faire de tout ceci ? De quoi le statut du rapport Meadows (loin d'être le premier, loin de marquer les débuts du militantisme, et même de l’expertise, écologiste) est-il en réalité le signe ? 50 ans après, la « conscience » écologique est, malgré tous les obstacles, plus diffuse, elle imprègne les affects, et parfois les modes de vie, de beaucoup de gens, notamment les plus jeunes. Mais « écologie politique » ne veut plus dire grand-chose. La pensée politique écologiste naissante a été laminée par les forces de l’ordre intellectuelles et physiques, au profit de ce qu’Antoine Dubiau a très justement appelé une « alphabétisation écologique de la société » (20) : un drôle de mélange entre diffusion d’éléments de langage, analyses pseudo-scientifiques que plus grand-chose ne distingue publiquement de véritables expertises, comportements privés servant de signes extérieurs de cette conscience, et ajustements des politiques publiques en vue de traiter – et encore à l’échelle d’une génération – les conséquences écologiques « ingérables » et « capitalisables ». Et pendant ce temps, réactionnaires et néofascistes de toutes les Nouvelles Droites extrémistes préparent intellectuellement, avec un sérieux bien plus grand, une version monstrueuse de la société écologiste (21). Dans la fabrique du récit standard, réduire les débuts de la conscience écologique au rapport Meadows a servi une stratégie d’amnésie à l’encontre des apports plus radicaux du mouvement écologiste.
L’ensauvagement de la société par l’écologie espérée dans les années 70 n’a pas eu lieu, pas plus que la co-construction et la diffusion des savoirs collectifs qu’un tel bouleversement aurait supposé. Cette première bataille est perdue, et nous le payons aujourd’hui d’une relative cécité politique collective face à certaines propositions supposément écologistes, qui devraient en réalité nous effrayer, pour la nature et pour nous-mêmes. Dans les années 70, les multinationales multipliaient les séminaires internationaux où l’on s’inquiétait de ce que les gens devenaient « ingouvernables ». Les temps ont bien changé.
Mais tout est-il perdu ? En 1989, le FBI créait la catégorie « écoterrorisme », une notion déjà largement utilisée dans le monde anglo-saxon depuis les années 70, pour répondre à un durcissement du militantisme écologiste, et notre cher Darmanin a bien montré que la classe dirigeante est prête désormais à la dégainer au moindre petit sabotage, un peu comme la violence déchaînée contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes avaient pu être justifiée par de chimériques caches d’armes, qui n’ont bien sûr jamais été trouvées… Sentirait-elle quelque chose venir ? Pourquoi sont-ils aux aguets ? Rarement en France il n’y a eu autant de travaux – souvent le fait de jeunes chercheurs – si précis, radicaux et engagés, autour des questions écologiques, que ces deux dernières années. En quinze ans, plus largement, le thème de la décroissance est redevenu « sérieux », politiquement et académiquement, après plus de vingt ans de black out. Et depuis quand n’a-t-on pas vu autant d’occupations de territoires, d’actions directes et symboliques, d’études s’inquiétant de l’éco-anxiété, d’activité associative, de réorientation d’existence vers de nouveaux modes de vie, dont les très médiatiques « bifurqueurs » ne sont qu’une toute petite partie, et sans doute pas la plus représentative ? Après la sidération de 2020, ces signes marquent-ils le début d’une nouvelle bataille culturelle ? Peut-être, à condition toutefois de faire un réel inventaire des luttes passées pour se sortir des pièges institutionnels, rhétoriques et médiatiques qui attendent tout militant, de brûler les idoles (à commencer par le mythe du rapport Meadows) et de tirer ainsi les enseignements de la bataille que nous avons perdue, au premier rang desquels celui-ci : il est définitivement plus difficile d’orienter notre ordre social vers des fins pour lesquels il n’est pas fait, que de réorganiser notre société en profondeur. Pragmatisme rime désormais avec radicalité.

(1) Faisant même l’objet d’une réédition en mars dernier (édition Rue de l’Echiquier, spécialisée en ESS et développement durable).

(2) Le nouvel ordre écologique, réédité en poche en 2002. Le même Luc Ferry a réitéré en avril dernier avec Les sept écologies (édition J’ai lu, 2022). Si cette fois il fait droit à la diversité des mouvements écologistes, il n’en qualifie pas moins ceux « qui plaident pour la décroissance, comme les écoféministes, les décoloniaux et les véganes, qui considèrent la lutte pour l’environnement comme indissociable de celle pour le droit des femmes, des colonisés et des animaux », ainsi que tous ceux qui associent écologie et critique du capitalisme, d’« alarmistes révolutionnaires ». L’intention reste la même, pour cet ancien Chiraquien : désamorcer politiquement l’écologie au nom d’un humanisme vague.

(3) Il semble que l’expression apparaisse pour la première fois dans la publication commune UICN/PNUE/WWF, Stratégie mondiale de la conservation : la conservation des ressources vivantes au service du développement durable, 1980. Voir D. Chartier, « Aux origines du flou sémantique du développement durable. Une lecture critique de La stratégie mondiale de la conservation », in Ecologie et politique, n°29, 2004.

(4) « Socialisme ou écofascisme », in Le Sauvage, 1973, repris dans Ecologie et politique, Le Seuil, 1978.

(5) Voir son livre L’utopie ou la mort de 1973. Auparavant, il était partisan d’une agriculture intensive.

(6) « Le sentiment de la nature, force révolutionnaire », in Journal intérieur des forces personnalistes du Sud-Ouest, 1937.

(7) Même si son principal ouvrage, La société contre la nature, date de 1972.

(8) Le rapport Meadows amorce un type de démarche, qui va vite devenir un standard : s’emparer de modèles scientifiques à la mode (en l’occurrence, la cybernétique), pour en faire un usage peu rigoureux au service d’une heuristique écologiste – le dernier exemple étant l’usage de la théorie transdisciplinaire des systèmes complexes par la littérature collapsologique. La limite de ce type de démarche est que le manque de rigueur scientifique risque toujours de servir d’arguments contre les conclusions défendues, y compris lorsque ces conclusions sont déjà solidement établies par ailleurs. Exemplairement, la collapsologie fait une usage déterministe du modèle des systèmes complexes (en gros, une version élaborée de la métaphore de l’effet domino ou de l’effet papillon), alors que le coeur de la théorie des systèmes complexes est justement que plus un système est complexe, plus ses évolutions sont imprévisibles… Ce que l’évolutionnisme avait déjà largement établi dans l’étude du vivant.

(9) Depuis 1965, de nombreux rapports d’experts font déjà état du changement climatique et de ses facteurs anthropiques. Le comité scientifique de la Maison Blanche produit un rapport détaillé en 1965. Il en est largement question en France en 1968 lors d’un colloque de la Datar. En 1970 et 1971 le MIT, déjà, produit deux rapports, Study of Critical Environmental Problems et Study of Man’s Impact on Climate. Une trentaine de climatologues font paraître, en 1971 toujours, Inadvertent Climate Modification. Enfin, on sait aujourd’hui que Total disposait d’un rapport très précis sur l’impact des hydrocarbures sur le climat, dès 1971 (C. Bonneuil, P.-L. Choquet, B. Franta, « Early warnings and emerging accountability : Total’s responses to global warming, 1971–2021 », Global Environmental Change, 2021).

(10) Ibid.

(11) Stéphane Foucart, « L’appel d’Heidelberg, une initiative fumeuse », Le Monde, 16 juin 2012 ; Francois Jarrige, Technocritiques : Du refus des machines à la contestation des technosciences, Paris, La Découverte, 2016.

(12) 1992, op. cit., note 2.

(13) Le terme est créé par l’ingénieur californien William Henry Smyth, en 1919 (« Technocracy : Ways and Means to Gain Industrial Democracy », Industrial Management), pour lui, une forme de démocratie mais passant par de nouveaux types de représentants, les experts, gagnant leur statut, non par élection, mais par compétence. Il inspire deux lobbies puissants, aux Etats-Unis : la Technical Alliance, dès le début des années 20, puis, à partir de 1931, Technocracy Incorporated. Si ce mouvement décline après 45, l’esprit en demeure dans nombre de think tanks depuis. Dès les années 20, son thème favori est le gouvernement de la société par le gouvernement des sources d’énergie – et l’on reconnaît aisément cette question du contrôle de l’énergie, aujourd’hui, derrière toutes les velléités technocratiques contemporaines. Elles expliquent en partie le primat d’un modèle hyper-centralisé et non-démocratique de la production énergétique.

(14) Voir notamment l’apport de Walter Lippmann (dans notre livre Walter Lippmann, d’un néolibéralisme à l’autre, 2020) dans la constitution du néolibéralisme : l’objection de Lippmann, à la technocratie de son époque, consistait à dire que l’exercice d’un leadership, à la tête d’une organisation (qu’elle soit étatique ou privée), engendre sa propre compétence, irréductible à toute forme d’expertise scientifique séparée – la compétence du leader est essentiellement liée à l’exercice de sa fonction (dans une perspective qui se veut pragmatique). Les experts scientifiques sont des ressources, mais pas des substituts aux leaders dont toute société qui ne veut pas sombrer dans le chaos (soutient Lippmann) a besoin. Quant aux revendications des « gouvernés », elles ne sont que des symptômes que savent lire les grands leaders. Aujourd’hui, cette thèse – consubstantielle à l’élitisme néolibéral – est souvent qualifiée, elle aussi, de technocratique par ceux qui la critiquent.

(15) Le principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique, 1979. On estime souvent qu’il est l’inspirateur de la définition du développement durable issue du Rapport Brundtland, le rapport final, produit en 1987, par la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, mise en place en 1983 par l’ONU. « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Une telle définition laisse un immense point d’interrogation : celui de la définition des besoins (y compris le droit de la génération présente à définir indirectement les besoins futurs). L’attitude la plus fréquente, face à cette difficulté, est celle que l’on trouve déjà chez Jonas : s’en remettre à une commission d’experts pour définir ces besoins. Les choses sont en réalité plus complexes chez Jonas, puisqu’il participe d’une perception encore plus élitiste : en réalité, cette inclusion des besoins des générations futures n’est que le substitut d’une éthique « plus haute » – dont bien peu seraient capables, à ses yeux – qui accorde à tout vivant une égale dignité (ce qui rattache Jonas au mouvement de l’écologie profonde). L’« heuristique de la peur » (amener les gens à admettre les réquisits d’une telle éthique par la menace des conséquences environnementales) se comprend dans cette perspective, fortement élitiste. C’est également en référence au « principe responsabilité » de Jonas qu’est formulé, dans la Déclaration de Rio, le « principe de précaution ».

(16) https://www.arte.tv/fr/videos/094503-000-A/le-systeme-total-anatomie-d-une-multinationale-de-l-energie/

(17) Du temps acheté : La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique (2013), Paris, Gallimard, 2014, pour la traduction française. Le sociologue allemand joue sur l’expression anglaise buying times, équivalent du français « gagner du temps ». Il montre comment toute la gouvernance politique et économique, depuis 1945, se comprend en tirant les leçons de la Grande Dépression des années 30, et en intégrant la critique marxiste du capitalisme : oui, le capitalisme est structurellement voué à la crise, donc il ne va pas s’effondrer puisqu’il a toujours survécu en cultivant l’art de toujours repousser sa crise ultime – il est fait pour avancer sous menace critique. Ce qui revient à dire que la gouvernance capitaliste repose sur la capacité à absorber toutes les critiques, et tous les modes alternatifs de conduite sociale (ex. Le management intègre petit à petit toute l’expérience associative et libertaire, depuis les années 30, pour en faire des techniques de contrôle du salariat). Son ethos repose sur l’art de forger des consensus qui lui sont favorables (typiquement le compromis social d’après-guerre), en prenant le temps de retraduire toutes les exigences sociales, avant de les satisfaire : il a l’art de gagner (acheter) du temps. Si Streeck ne le fait pas (pas plus qu’il n’irait jusqu’à réduire, comme je le fais, le compromis d’après-guerre à une stratégie du Capital), on peut tout à fait comprendre le délai imprimé aux mesures écologistes comme une semblable stratégie, dont le climato-scepticisme ne serait qu’une étape provisoire.

(18) Pas de références précises : c’est une tournure orale récurrente que nombre de témoins lui attribuent.

(19) Jean-Baptiste Fressoz, L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Seuil, 2012. C’est à cet historien que l’on doit aussi d’avoir établi que jamais, dans l’histoire de ces trois derniers siècles, une source d’énergie n’en a remplacé une autre, dans un régime de croissance économique. 2021 vient confirmer ce constat : cette année bat les records de consommation d’énergie tirée du pétrole, du renouvelable, du nucléaire et du charbon – tout à la fois ! Y compris dans les consommations indirectes d’un pays comme la France, qui a pourtant officiellement mis fin à son industrie du charbon ! C’est un argument fort contre tout technosolutionnisme visant le remplacement des énergies carbonées par des énergies non-carbonnées, sans s’engager dans une quelconque décroissance.

(20) Ecofascismes, Editions Grevis, 2022. Précisons que ce géographe est résolument écologiste.

(21) Ibid. Dans la deuxième partie du livre, il revient notamment sur l’écologie intégrale et les déclinaisons réactionnaires de l’encyclique du pape François Laudato Si (qu’illustre bien la revue Limites, issue principalement de jeunes acteurs de la Manif Pour Tous, comme Marianne Durano et Gaultier Bès), mais aussi toutes la nébuleuse tournant autour d’Alain de Benoist, du GRECE et de la revue Krisis, et bien d’autres, qui s’attèlent, depuis le début des années 80, à transposer, dans un langage réactionnaire et/ou fasciste, un certain nombre de thématiques écologistes disponibles, du fait de l’affaiblissement des courants écologistes radicaux : l’enracinement, le primat du local, le besoin de faire communauté, la critique de la technologie moderne, l’égale dignité des vivants (qui devient vite un argumentaire anti-IVG), ou même simplement l’idée ambiguë que la nature fournit des normes aux sociétés humaines (qui fournit tous les prétextes d’un nouvel « ordre moral », voire une renaturalisation du racisme, via l’interaction supposée adaptative de chaque culture à un environnement naturel immuable). Si ces thèmes, sous leur forme fascisée, ne passent pas encore durablement la rampe de l’existence médiatique du FN/RN, on relève déjà des frémissements, bien antérieurs aux récentes références de Marine Le Pen à une « société écologique » : qu’il s’agisse de Bruno Maigret et Pierre Vial, dans les années 90, ou plus récemment de Laurent Ozon et de la création du parti Les Localistes (microparti satellite du RN et spécialisé sur ces questions, fondé par Hervé Juvin et Andréa Kotarac). Antoine Dubiau en tire la nécessité de reprendre à bras le corps un travail intellectuel de fond sur ces thématiques, mais il oscille entre une nécessaire co-construction démocratique des savoirs – que j’appelle aussi de mes vœux – et une surenchère de recours à l’expertise (exemplairement les analyses du territoire tirées de sa discipline, la géographie), sur fond de redoublement de la rhétorique de la menace – aux menaces environnementales s’ajouteraient les menaces écofascistes.

   12 décembre 2022 - GA LFI du Clunisois

Contribution du Groupe d’Action LFI du Clunisois au débat sur l’affaire Quatennens

Depuis le 18 septembre, une drôle de musique circule dans nos cercles militants, une musique que nous attendions plutôt de nos adversaires politiques : “laissez la justice faire son travail !”, “ce sont des histoires d’amour intimes, complexes et nous ne devons pas nous en mêler”, “il doit bénéficier de la présomption d’innocence”. Des déclarations mêlant réflexe d’affection et juridisme1 prudent. En tant que militant.e.s de la France Insoumise, engagé.e.s dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS), nous ne sommes ni les amis d’Adrien Quatennens, ni ses juges. Certes nous n’en sommes pas aux scandales de La République En Marche à propos de Gérald Darmanin ou Damien Abad, par exemple. Mais nous attendons davantage d’un mouvement comme le nôtre et souhaitons proposer notre réflexion à ce débat. Notre réaction publique à cette affaire doit être politique et militante : elle doit être en phase avec les enjeux sociaux (ici, les violences faites aux femmes) et les valeurs (féministes) que nous portons. Elle doit respecter la nature de notre mouvement : un mouvement populaire, “ouvert” et “évolutif”, et non un parti d’avant-garde dépendant de ses leaders.

Notre travail de militant.e.s

Qui peut nier, en effet, que les violences faites aux femmes est aujourd’hui un problème social de premier plan ! En France, 213.000 femmes subissent chaque année des violences sexuelles et sexistes2. Parmi leurs agresseurs - souvent des proches, quasiment tous des hommes - seule une infime minorité font l’objet d’une procédure judiciaire et encore plus rares sont les condamnations. A titre d’exemple, concernant les viols : 10% seulement des victimes portent plainte, et seulement 1% de ces plaintes aboutissent à une condamnation. Donc, 0.1% des viols sont condamnés en France. Pourtant, les études de criminologie et les enquêtes de victimation montrent que les fausses accusations ne représentent que 2 à 10% des plaintes3 (rappelons en outre que, dans cette affaire, Adrien Quatennens a reconnu une partie des accusations pesant contre lui). Si on ne peut pas assimiler toutes les VSS à des viols, ces données n’en illustrent pas moins déséquilibre immense entre la réalité des VSS et leur traitement judiciaire. En tant que militant.e.s, on ne peut pas partir du principe qu’une femme ment quand elle accuse son conjoint de violence, car nous manquerions ainsi de soutenir ces 99.9% de femmes victimes qui n’auront jamais justice ! On ne peut pas non plus en tirer des conséquences tièdes sur le rôle qu’un homme, ainsi accusé, est supposé devoir jouer dans un mouvement qui assume des valeurs féministes ! Un mouvement féministe a pour rôle de soutenir toutes ces femmes pour que cesse l’impunité de la violence des hommes sur les femmes. Cela implique de refuser qu’une personne accusée de violence par sa conjointe représente le dit-mouvement.
Il en va donc de notre lucidité et de notre sincérité. C’est aussi simple que cela. Les valeurs que nous partageons sont l’un des ciments les plus solides et les plus honorables de notre mouvement, et ces thèmes féministes en font pleinement partie. Les exigences des militant.e.s aujourd'hui - et notamment celles des jeunes générations - sont immenses. Ne pas l'entendre serait une erreur.

Le travail de la justice, la place de l’humain

Il ne s’agit pas d’incriminer ici le travail de la justice, mais de souligner la difficulté du traitement judiciaire des VSS et leur importance pour notre société. Une réaction politique ne doit bien sûr pas remplacer la justice ni oblitérer l’humain et l’amitié. La justice doit faire son travail. L’avenir en commun ne prône pas la création d’un tribunal se substituant à la justice ordinaire, qui condamnerait une personne sur une seule accusation.
Aussi, et jusqu’à preuve du contraire, les ami.e.s d’Adrien Quatennens n’ont aucune interdiction de le voir, de lui parler, d’entretenir des liens avec lui. Même pour une personne coupable de faits de violences, quelle qu’en soit la gravité, notre programme prône de “discuter avec elle, l’écouter et d’éviter qu’elle se trouve isolée et désocialisée”. C’est sûrement là la place des ami.e.s d’Adrien Quatennens, qu’il soit réellement coupable ou non.

L’indispensable démocratie d’un mouvement féministe

Nous voulons simplement que le respect de la justice et des amitiés privées n’efface pas les conséquences politiques de cette affaire. Et sur ce point, l’affaire Quatennens pose une question cruciale. Pourquoi tant de volonté, chez certains de nos camarades, de voir revenir une personne accusée de violence sur son ex-compagne ? Parce qu’il serait “un bon homme politique”, répondent ses soutiens. N’y a-t-il personne d’autre de “bon” à la FI ? Sans doute que si ! Cette affaire révèle donc un problème d’organisation dans notre mouvement qui - malgré nombre de figures militantes émergentes - a déjà du mal à accepter un turn over de ses figures de proue. Une structure qui peine à puiser dans cette force immense que constituent 300.000 militant.e.s et 7.700.000 voix à l’élection présidentielle. Les arguments sur les qualités d’Adrien Quatennens qui justifieraient son maintien démontrent bien souvent une personnification et une idolâtrie inquiétantes pour notre mouvement.
Décider collectivement de changer de leader est un choix stratégique et politique d’un mouvement populaire, qui ne devrait pas provoquer tant de remous. Nous estimons simplement, avec d’autres, qu’il ne peut plus être l’un de nos leaders politiques.

On passe le relais… et la lutte continue

La France Insoumise est un programme politique, une vision du monde, une histoire militante et collective. Et dans un tel mouvement, la bonne conduite d’un leader politique, vraiment attaché aux valeurs féministes et démocratiques qu’il a défendu dans son programme, serait de se retirer du premier plan, de démissionner de son mandat, de laisser ses camarades - nombreux et compétents - assumer le front médiatique et le combat parlementaire.

Groupe d'action LFI du Clunisois

1 Juridisme : Attitude de quelqu’un qui s'en tient à la lettre des lois
2 Chiffres tirés de l’enquête “Cadre de vie et sécurité” 2019 du Ministère de l’Intérieur : bit.ly/3W3HyHq
3 “False Allegations of Sexual Assualt: An Analysis of TenYears of Reported Cases” : bit.ly/2P5DJPQ

   10 octobre 2022 - Éric Ponchaux
 

À quand une analyse des besoins sociaux à Mâcon ?

Aujourd’hui, 5,6 millions de ménages seraient en précarité énergétique en France, dont 2,3 millions de familles modestes. Cela représente plus de 12 millions de personnes et 20,4 % des ménages.
Qu’en sera-t-il en 2023 ?
Avec la hausse des coûts de l’énergie, des loyers, des produits de première nécessité et les 5 millions de passoires thermiques que compte notre parc de logements, de plus en plus de ménages n’auront plus les moyens de se chauffer correctement sauf à se ruiner pour le faire. Cette précarité extrême aura de graves conséquences sur leur alimentation, leur santé et leur budget.
Les réponses des pouvoirs publics restent faibles et sans ambition, saupoudrage d’aides directes au paiement des factures d’énergie et aides limitées et sous conditions à l’amélioration de la performance énergétique des logements.
Et du côté de la mairie de Mâcon ?
L’hiver sera bientôt là, il va sans dire que les élus de la majorité vont prendre des mesures à la hauteur du drame social qui attend un bon nombre de nos concitoyens. Pour cela ils vont sans doute s’appuyer sur l’analyse annuelle des besoins sociaux du CCAS puisque celle-ci est toujours obligatoire dans l’année civile suivant le renouvellement des conseils municipaux.
Et bien non, pas d’analyse de ce type à Mâcon et pour trois principales raisons : ça coûte, il n’existe pas de pénalités contraignantes dans le cas du non-respect de cette obligation et sans doute aussi, la gêne d’être confronté aux véritables attentes de la population mâconnaise.
Pourtant c’est une réalité, la précarité ne cesse d’augmenter. D’ailleurs, depuis cette année, ce que l’on remarque à la commission permanente du CCAS, c’est la multiplication des demandes d’aides énergétiques (factures d’électricité et de gaz) ainsi que des demandes d’aides au règlement des loyers.
En 2020, le collectif Mâcon citoyens avait suggéré des mesures ambitieuses qui auraient pu être mises en place dès les premiers mois de l’actuelle mandature afin de refonder des politiques sociales adaptées à la réalité des besoins sociaux de la Ville.
Ces mesures mises en place auraient limité les effets de cette crise sociale.
En voici quelques-unes :
• Analyse des besoins sociaux sur l’ensemble de la ville et communes associées avec la participation des habitants.
• Renforcer le partenariat Ville/CCAS par une augmentation de la dotation en lien avec l’analyse des besoins locaux.
• Actions d’intérêt général en fonction de l’analyse des besoins avec la création de postes d’agents de développement et de médiateurs sociaux.
• Création de conseils de quartiers habilités à se saisir de tous les aspects de la vie quotidienne en lien avec le Conseil exécutif Municipal.
• Accès sans délai aux premières nécessités (eau, électricité, chauffage, sanitaires, douches…) dans des situations de grande précarité.
• Réalisation d’un diagnostic énergétique des bâtiments sur toute la commune couplé à un plan de soutien à l’isolation thermique des bâtiments.
• Budget participatif pour consolider la solidarité entre habitants et publics défavorisés.
• Octroi de subventions aux associations sur des critères de solidarité et de mobilisation citoyenne.
• Des évènements associatifs à caractère social ou liés à l’économie Sociale et Solidaire autour de l’échange et de la gratuité (alternatiba, gratiferia).
• Local pour stockage de matériels et denrées alimentaires mis à disposition des collectifs et associations afin de gérer les situations d’urgence.
• Simulation systématique des droits en matière d’aides sociales auprès des nouveaux arrivants. Renforcer le Secours guichet (aide alimentaire, logement, santé, mobilier).
• Des hébergements vides appartenant à la commune mis à disposition des structures sociales d’hébergement. …
Nous devrions tous être acteurs contre la pauvreté et la précarité.

Egalement publié sur Mâcon-Infos (le 10 octobre)

   Forces locales


   2 janvier 2023 - communiqué de presse Élu.e.s Mâcon Citoyens
 


Précarité à Mâcon : les élus municipaux et communautaires du groupe « Mâcon Citoyens » communiquent

(JSL, 2 janvier 2023)

 

« Non M. Courtois, les Mâconnais ne choisissent pas d’être précaires ! » répond le groupe d’élus « Mâcon Citoyens »
« Le 26 décembre paraissait dans les pages du Journal de Saône-et-Loire une infographie sur les taux de pauvreté dans les différents quartiers de la ville de Mâcon. Un taux de pauvreté global de 24 % avec certains quartiers où près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Le journaliste avait pris soin de contacter M. Jean-Patrick Courtois, maire de Mâcon, afin de recueillir son opinion sur ces chiffres alarmants. Ce dernier avait alors développé le fait que la pauvreté se combat par la création d'emploi et non par de l'assistanat, précisant qu'à ce jour près de 2 000 emplois ne sont pas pourvus dans la région mâconnaise.
Tout d'abord quelques précisions quant aux chiffres avancés par M. le maire de Mâcon. 
Si l'on en croit le site de Pôle Emploi en date du 28 décembre, il ne s'agit pas de 2 000 mais de 1 800 offres d’emplois pour Mâcon et un rayon de 10 km à la ronde.
Pour ce qui est précisément de la Ville de Mâcon, on compte exactement 1 181 offres, toutes catégories confondues. Quand il s'agit d'affiner cette recherche en appliquant un critère de salaire (salaire minimum de 1679 €, soit le SMIC mensuel brut à temps plein), il ne s'agit plus à Mâcon même que de 283 annonces ou 487 sur Mâcon et alentours de 10 km.
Quant au nombre de demandeurs d'emploi connu à ce jour, si l'on en croit les bases de données gérées par Pôle emploi ( https://statistiques.pole-emploi.org), la commune de Mâcon compte 4 130 demandeurs d'emploi dont 1 990 demandeurs de catégorie A en novembre 2022 (derniers chiffres publiés).
Ce chiffre de 2 000 existe donc. Il ne s'agit cependant pas d'offres d'emploi mais bel et bien de personnes en recherche d'emploi.
Et concernant les conditions d'emploi, on constate que seul un quart de ces offres est en mesure de proposer un salaire à minima égal au SMIC mensuel brut. Il convient donc de se demander si aujourd’hui il est réellement possible pour tous de vivre de son travail à Mâcon, décemment et sans aide, à l'heure où tous les prix flambent (logement, énergie, alimentation…).
Et entendons-nous bien, la France compte à ce jour 1,2 million de travailleurs pauvres. Il ne s'agit pas juste de personnes pauvres parce qu'éloignées de l'emploi ou parce qu'elles le veulent mais plutôt, et bien trop souvent, de personnes qui travaillent dans des conditions précaires ne leur permettant pas de vivre décemment de leur salaire : temps partiel imposé, distance et horaires coupés, horaires non compatibles avec une vie de famille, multiplication pendant des années de missions intérimaires sans suite, etc.
Rappelons également que les femmes seules avec enfants sont d'ailleurs les plus exposées et en France, 20 % des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté. Cela nous amène précisément au rôle que doit jouer une collectivité responsable et consciente des difficultés de ses concitoyens.
Prenons l’exemple des familles monoparentales. Notre groupe a récemment interpellé les élus de la majorité quant aux difficultés des personnes précaires à accéder à un emploi en raison, entre autres, du nombre insuffisant de places en crèches publiques, c'est-à-dire les seules qui leur seraient accessibles à hauteur de leurs moyens financiers.
Nous nous permettons de rappeler au maire de Mâcon – président de l’agglomération (collectivité en charge de la petite enfance), qu’aucune place en crèche publique n’a été créée ces dernières années.
Ensuite, monsieur de maire dit préférer l’emploi à l’aide directe. Soit.
Mais rappelons-lui également que l’aide directe aux plus démunis incombe au Conseil départemental dont il est vice-président ainsi qu'au Centre communal d'action sociale (CCAS) dont il est également président. Le sujet devrait lui être on ne peut plus familier.
La municipalité de Mâcon finance le CCAS à hauteur d'un million chaque année, chiffre quasiment constant. Le CCAS de Mâcon accomplit parfaitement sa mission mais dans les limites des budgets dont il dispose. Nous avons réclamé à plusieurs reprises la réévaluation du budget alloué pour tenir compte de l'augmentation des besoins : vieillissement de la population, augmentation du nombre de familles monoparentales, familles endettées en raison de l'augmentation du coût de l’énergie, etc.
Mais à Mâcon, il est compliqué de s'adapter avec précision aux besoins car, rappelons-le également au maire de Mâcon-président du CCAS, l'une de ses obligations est de faire pratiquer une analyse des besoins sociaux. "La loi rien que la loi", nous rappelait-il récemment. Mais c'est bien la loi qui le lui demande et rappelons-lui sa réponse : « tant qu'il n'y a pas de pénalité, on peut s'en passer ». Cette réponse manque pour le moins de sérieux : comment peut-on adapter l'offre aux besoins si les besoins n'ont pas été analysés ? Tout commerçant gérant sa boutique pratiquerait une étude de marché, mais la Ville de Mâcon et son centre communal d'action sociale (CCAS) ne sont pas en mesure aujourd'hui de chiffrer les besoins réels des Mâconnais.
Concernant les quartiers dits « politique de la ville », à savoir les quatre quartiers périphériques les plus défavorisés, le maire se vante, toujours dans ce même article, d’avoir lancé avec son ami député des opérations pour "trouver du travail aux personnes qui n'en ont pas".
Des opérations récentes menées notamment par l'association Aile Sud Bourgogne (Plie, Claj et Mission locale) se sont tenues dans différents quartiers de la Ville. Elles connaissent effectivement un réel succès. Ces opérations doivent être développées, mais précisons qu’il ne s'agit pas de trouver du travail aux gens mais bien, ce qui se fait à l'heure actuelle, de mettre en relation patrons et chômeurs.
Pour ce qui est enfin du ressort du développement économique, nul ne peut enlever cela à M. Courtois : c’est effectivement un bâtisseur, un développeur de zones, un développeur de projets, qui sait aller chercher des aides partout où il peut y en avoir pour construire et bétonner. Mais que penser d'une ville dont le centre est vidé de ses commerces, d'une ville à moitié fantôme en raison de travaux qui s'enchaînent à n'en plus finir tout au long de ses quatre mandats.
Bientôt 22 ans que M. Courtois gère cette ville, et 22 ans que la pauvreté s'amplifie. 22 ans d'abandon des quartiers périphériques, 22 ans que le CCAS ne peut plus s'adresser à l’ensemble des personnes en difficulté, faute d’ambition. Courtois se targue de cumuler les mandats pour des raisons pratiques de connaissances des dossiers. Et bien qu’il s’empare réellement de celui de la précarité ! »  

Les élus municipaux et communautaires du groupe « Mâcon Citoyens »


    11 janvier 2023 - Communiqué de presse NUPES 71

COMMUNIQUE DE PRESSE DE LA NUPES 71

Les organisations EELV, LFI, PS et PCF du département de Saône et Loire communiquent :

« LA NUPES 71 EN CAMPAGNE POUR NOS RETRAITES

Alors que les difficultés s’aggravent pour des millions de nos concitoyen-nes confrontés à l’inflation persistante, le Président de la République et le gouvernement s’obstinent à vouloir imposer un recul de l’âge de départ en retraite à 64 ans.
Il n’y a pourtant aucune nécessité économique à cette réforme. Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, il n’y a pas de menace de déficit insurmontable de notre système de retraite.
Les formations politiques de la NUPES s’opposent totalement à cette réforme injuste et inefficace, rejetée par une majorité de Français-es et toutes les organisations syndicales de salarié-es. Ensemble, nous défendons notre système de retraite par répartition. A l’opposé de tout recul de nos droits sociaux, la solidarité et le climat conditionnent notre système social et l’habitabilité de la terre à moyen terme.
Pour obtenir le retrait de cette réforme, nous nous inscrivons totalement dans la campagne de la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale contre le projet de réforme gouvernementale.
Nous proposons de rencontrer les Unions départementales des syndicats pour envisager d’éventuelles initiatives communes et la création de collectifs locaux permettant la mobilisation la plus large et nous soutiendrons toutes les dates et initiatives d’action qu’elles décideront.
Nous tiendrons une conférence de presse le lundi 16 janvier à Chalon pour informer sur l’ensemble des initiatives communes prises par nos organisations dans les communes et circonscriptions du département, à la rencontre des habitants, des jeunes, des retraité-es, des chômeurs avec la tenue de meetings et la diffusion du tract national commun de la NUPES qui décrypte le projet de loi du gouvernement. »

   Janvier
   Chalon Infos - 22 janvier 2023
     


SUD éducation 21-71 répond au député de Saône et Loire, Rémy Rebeyrotte

Oui, soyons sérieux M. le Député
Le syndicat SUD éducation 21-71 répond ici à une tribune du député Rebeyrotte, publiée le 16 janvier dans Info Chalon, dans laquelle il invite à faire preuve de sérieux sur le dossier du projet de réforme des retraites.
Les millions de personnes qui ont manifesté ce jeudi 19 janvier contre ce projet, semblent avoir saisi l’injustice de cette réforme et le manque de sérieux de ceux qui la réclament. Revenons donc, si c’est encore nécessaire, sur certains arguments du député.
Par un raisonnement démographique simpliste, il avance la nécessité de cette réforme pour sauver dans la durée notre système de retraites. Le Conseil d’Orientation des Retraites, service du Premier Ministre, a au contraire réalisé différentes projections dans son rapport de septembre 2022 et aucune d’entre elles ne correspond à un scénario catastrophe, et ce jusqu’en 2070. Son président l’a à nouveau dit ce jeudi 19 janvier : "Les dépenses de retraites ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées, dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme".
Il existe évidemment des mesures susceptibles de renforcer le financement de notre système social, sans obliger l’ensemble de la population à travailler deux ans de plus. En vrac et au choix :

-fin des exonérations et allègements de cotisations sociales patronales (elle assurerait une rentrée annuelle de 75 milliards d’euros dont 17 directement dans les caisses de retraite)
-mise en place d’une surcotisation sociale patronale équivalente à celle d’un taux plein sur l’emploi à temps partiel et d’une cotisation sociale sur les dividendes, affectées aux caisses de Sécurité Sociale
-augmentation des cotisations sociales patronales (0,8% de cotisation en plus assurerait 12 milliards d’euros en plus chaque année)
-vraie égalité salariale femmes / hommes (la revalorisation des rémunération des métiers féminisés rapporterait 14 milliards d’euros annuels aux caisses de retraites selon la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse)
-augmentation des salaires (qui fait mécaniquement augmenter les rentrées de cotisations sociales)
-réduction du temps de travail hebdomadaire à 32h sans perte de salaire ni flexibilité avec une politique déterminée de création d’emplois dans les services publics (santé, éducation, écologie, culture…)
-rétablissement de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune, vraie lutte contre l’évasion fiscale, taxation des super-profits …

Bien sûr, ces mesures s’inscrivent dans une politique de partage des richesses qui n’est pas celle mise en œuvre par le gouvernement, au service des intérêts capitalistes. La laborieuse tentative de « pédagogie » de M. Rebeyrotte est un bien pauvre enfumage qui ne trompe personne : il s'agit une nouvelle fois de faire des économies sur le dos des travailleuses et travailleurs confronté·es aux plus grands risques.
Chacun·e appréciera enfin le « sérieux » avec lequel le député conclut son propos : « Ce qui m'a surpris à l'inverse, c'est la dimension sociale de la réforme, ses avancées, son rééquilibrage vers plus de justice […] Ce serait dommage de passer à côté de telles avancées sociales. »
La notion de progrès social semble ici fort mal comprise par le député. Rappelons qu’elle consiste en des changements d’organisation sociale en vue d’améliorer les conditions de vie de toutes et tous. La « case » n’est définitivement « pas cochée » dans le projet du gouvernement, pour reprendre à nouveau les termes du député.
SUD éducation 21-71 appelle donc à poursuivre et amplifier massivement la lutte contre ce projet antisocial à l’occasion de la prochaine journée de mobilisation nationale du 31 janvier et lors des différentes actions locales qui pourront être organisées d’ici là.


   Thèmes

   Salon du livre libertaire - 16/10 - Arnaud Milanese
 
"Les Gilets Jaunes par Nous"
Le documentaire qui nous a été projeté en était à sa 6e version déjà. Pourquoi tant ? Et qui est ce "nous" ?

Derrière ce documentaire, on trouve un collectif de Gilets Jaunes d'Occitanie. Mais ce n'est pas eux ce nous. Il est entièrement fait d'archives prises en situation par ceux qui ont participé et participent toujours au mouvement. Une partie a été collectée via le (no)blog dont nous donnons le lien au-dessus, et où l'on trouve quantité d'archives (le site précise que le documentaire était présent sur Facebook jusqu'à peu - Facebook l'a enlevé d'autorité). C'est donc un "nous" qui renvoient aux gilets jaunes, ou plutôt à des gilets jaunes, qui se réapproprient leur histoire, à mesure qu'ils rassemblent des documents et poursuivent, d'une façon ou d'une autre, le mouvement - entre autres choses par ce documentaire. Ou encore en appelant symboliquement à la grêve générale le 17 novembre prochain, jour anniversaire du début du mouvement (voir l'affichette).
L'ordre en est simplement chronologique, les effets de montage sont peu nombreux, même s'ils ajoutent à l'humour fréquent de certaines scénettes - pour ceux qui auraient oublié que c'est un mouvement créatif et souvent drôle !
De nombreuses références, plus ou moins détournés, au cinéma commercial en sont les effets les plus fréquents. Le documentaire s'ouvre et se ferme ainsi sur Matrix, et Rage Against The Machine, of course !!! Précisément parce qu'il s'agit non de dire comment cela va finir, mais "comment cela va commencer" (fin du 1e volet, pour ceux qui l'auraient oublié). Si de nombreux actes se sont appelés "acte ultime", "ultimatum", "acte final 1, 2, 3, etc.", leur multiplication signifie justement que tout ne fait que (re)commencer - si on le veut. Ou encore parce qu'il s'agit de montrer un "monde sans vous" (Matrix toujours): et ce n'est pas un monde de violence - la violence y a été défensive - mais d'auto-organisations, de fêtes et de réappropriations (on se souvient de ce que signifiait le prélèvement de l'ISF à la source sur les Champs Élysée...). Je ne connaissais pas ces images de bonnes soeurs dansant dans la rue avec des gilets jaunes, par exemple, et je ne suis pas prêt de les oublier !
Incontournable donc, Trinity en gilet jaune (voir l'affichette), William Wallace, dans Brave Heart, en gilet jaune, et cela répond parfaitement au type d'esthétisation développée pendant le mouvement. Qu'il s'agisse du "Force et honneur" du boxeur Christophe Dettinger, tiré de Gladiator, ou de l'énorme "Raouw" répondu à la question "Quel est votre métier ?", et tirées, la réponse comme la question, de l'affreux 300.
De belles analyses, aussi, passées comme de rien, et si justes ! Comme le moment où est évoqué le fait que les techniques de maintien de l'ordre actuellement en vigueur en France, ont été testé dans la répression des émeutes en banlieue (d'où le rôle désormais de la BAC et la politique de l'interpellation systématique - voir l'excellent livre Politique du désordre, de Jobart et Filieule, pour qui veut en savoir plus). Ou encore la tension incessante, pendant le mouvement, entre les conditions difficiles des plus précaires qui vivent de leur travail, et les exigences du mouvement (expliquant en partie les difficiles relations avec les syndicats - gilets jaunes/gilets rouges, on s'en souvient - notamment au moment de bloquer les raffineries). C'est, dit la voix off, que le difficile est de porter la critique et la lutte sur ses propres conditions d'existence sans perdre la dimension nécessairement sociale du mouvement. Tout un programme, ou plutôt tout un problème, qui est le problème central du militantisme. Lorsqu'il se veut vraiment pragmatique - concilier vie, convictions et engagement efficace.
Beaucoup de choses aussi sur la grande créativité et la grande réactivité de ce mouvement. L'efficacité du message de non-dissociation, lorsque le pouvoir et les médias ont cherché à opposer les calmes et les violents. Un véritable sens de la formule, aussi: assemblée désassemblée, convivialité en gilet. Une longueur d'avance face aux stratégies de répression: on ne peut plus se pérenniser sur les ronds points - qu'importe, nous avons monté des maisons du peuple (plus ou moins réquisitionnés parfois). Organiser un cortège de Carnaval, lorsque les masques ont été interdits: ce n'est pas un masque, c'est un déguisement ! Et enfin (mais il y en aurait bien d'autres), l'inénarrable cacatov: ces cocktails molotov à base d'excréments - d'abord humains (une pierre deux coups), puis (attention ADN !) à base d'excréments et d'urine de chat, et de tout ce qui pouvait sentir fort et longtemps sur les uniformes !
J'insiste sur ces points non pour passer sous silence les moments dramatiques, durs, inquiétants dans les confrontations qui ont jalonné le mouvement, et que le documentaire ne nous épargne pas. Parce qu'on les connaît hélas mieux. Même si on n'en souligne pas toujours assez la dimension épique - le choix de certaines musiques de film (Gladiator encore) était parfait pour le souligner. Et ce documentaire lui-même n'hésite pas à traiter ces moments les plus durs avec humour: les 700 lycéens agenouillés pendant deux heures par la police casquée... sur la musique de Dark Vador, c'est irrésistible. Même si au fond c'était à pleurer.

Joyeux, épique, inquiétant, dur, plein d'espoir et d'appels justes à poursuivre la lutte. Bref, émouvant.
   10 octobre 2022 - Femmes Solidaires Mâcon - communiqué

Féminicides: le cap des 100 a été dépassé...

Le cap des 100 a été dépassé…
Dépasser le cap des 100 a une valeur symbolique très positive, souvent synonyme d’un grand bonheur ou d’une très belle réussite : le cap des 100 ans pour les êtres humains, des 100 sélections dans une équipe pour un footballeur, des 100 jours pour un couple…
Le cap des 100 ans a également été dépassé le week-end dernier, dans un autre domaine, MAIS là, c’est une horreur !
Une femme a été assassinée par un homme : c’est le 101ème féminicide depuis le début de l’année 2022…
Femmes Solidaires Mâcon dénonce le manque de moyens financiers, humains et matériels mis en place par le gouvernement pour arrêter ces abominations !

Publié dans Mâcon Infos (10 octobre)

 
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