Le
réalisme économique de la NUPES
Le
30 mai, Elisabeth Borne déclarait à l’ensemble des
candidats Renaissance : « (la NUPES et le
RN) ont la radicalité des slogans et des postures,
quand nous incarnons la radicalité des actes et des
résultats ». Les trois ‘blocs’ de la
présidentielle sont donc radicaux, mais seuls les
Marcheurs le sont par leurs actes. Parce qu’ils sont
au pouvoir et que les programmes des autres seraient irréalistes.
Ces
derniers jours, certains experts l’ont claironné dans
les médias, à propos du programme économique de la
NUPES, notamment le soutien aux revenus les plus bas
(« Face à la gauche, les économistes en gardiens
du temple », Mediapart, 26 mai). Cela ne
fera que renforcer l’inflation, disent-ils, puisque la
demande augmenterait alors plus vite que l’offre. Les
pauvres doivent rester pauvres, sous peine de
connaître une inflation qui les rendrait encore plus
pauvres.
A
cela, ils opposent depuis longtemps une politique
de l’offre : soutenir l’investissement des
entreprises par de l’argent public. Si elles
investissent, elles produisent et emploient, et les
aides publics « ruissellent » sur tous.
Alors que soutenir le pouvoir d’achat engendre
inflation et déficits.
Mais
est-ce vrai, ici et maintenant ? Écoutons
d’autres économistes qui étudient la réalité
de la vie économique française : l’effet
multiplicateur des aides publics varie entre une
politique de l’offre et une politique de la demande.
Ce jargon est essentiel, les grandes questions de
politique économique qu’on vous demande de trancher
reposent en partie sur le sens de cette phrase.
Qu’est-ce
que l’effet multiplicateur ?
Si
l’État aide les entreprises, et que 1000 euros d’aide
aboutissent à 800 euros de croissance, c’est une
politique de l’offre, et son multiplicateur est de 0.8
(comme ce fut le cas du plan de relance de 2020) – une
politique donc inefficace qui creuse les déficits,
produit une part de l’inflation actuelle et décuple
les grandes fortunes. Comme le soutient Georges
Nurdin, dans Capital (21 mai), préconisant de
réduire la masse monétaire et de bloquer en partie les
prix et les marges. Capital n’est pourtant pas
un magazine d’extrême-gauche…
Si
l’État soutient le pouvoir d’achat des 50 % les
moins riches, et que 1000 euros d’aide aboutissent à
1180 euros de croissance (la consommation appelle la
production donc la richesse et l’emploi), cette
politique de la demande (avec un multiplicateur de
1,18) est dès lors efficace. Or justement, la
politique de la demande de la NUPES est calculé à
partir de ce multiplicateur tout à fait
réaliste : de 1960 à 2010, la France a en effet
oscillé entre 1,96 et 1,39 (La dette publique :
précis d'économie citoyenne, 2021). Voilà pourquoi les
mesures de la NUPES sont « modérées »
(Thomas Piketti, Le Monde, 7 mai),
quoique « justifiées et nécessaires » (Henri
Sterdyniak, corédacteur du Manifeste des
économistes atterrés, Alternatives
Economiques, le 27 mai).
Relever
les bas salaires et les minima sociaux, soutenir les
retraites, contrôler les prix des biens de première
nécessité (qu’il faudra définir ensemble) est donc à
la fois juste et plus réaliste, que les programmes
dispendieux de LREM/Renaissance et du RN. De quelle
« radicalité des actes et des résultats »
parle donc Elisabeth Borne ? De celle qui
s’obstine fanatiquement dans ses préjugés ou de celle
qui attaque les problèmes à la racine, sans a priori –
comme la NUPES ?
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